De la force subversive d’un personnage détestable dans un “roman vulgaire” : Scarlett O’Hara dans Autant en emporte le vent.
Résumé
L’article propose d’analyser la place paradoxale qu’occupe Autant en emporte le vent (1938) de Margaret Mitchell dans le canon littéraire étasunien. Ce roman a souvent été considéré à juste titre comme une apothéose de la littérature de plantation. C’est le personnage de Scarlett O’Hara qui explique peut-être la fascination exercée par ce bestseller: elle trace des lignes de fuite dans la structure rigide du Vieux Sud fantasmé par Mitchell, en exposant à la fois la performativité des rôles de genre dans la société sudiste et la façon dont la Southern Belle dépend de l’oppression et de la marchandisation du corps des femmes noires. La violence de l’esclavage, occultée dans la littérature de plantation du XIXe siècle, apparaît de façon détournée dans le roman, à travers les crises de colère d’un personnage dont la voix est fréquemment comparée à un coup de fouet. De même, la hantise du métissage si fortement présente dans la société sudiste émerge dans le texte à la fois dans les origines irlandaises de Scarlett O’Hara et dans la figure de Rhett Butler. Scarlett O’Hara sert ainsi à semer le trouble dans l’imaginaire de la plantation, faisant du roman plus qu’une simple répétition des clichés « clair de lune et magnolia » (moonlight and magnolia).