Le naufrage en rêve. La détresse aux sources de l'éthique - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Diderot Studies Année : 2024

Le naufrage en rêve. La détresse aux sources de l'éthique

Philippe Déan

Résumé

« Le naufrage en rêve. La détresse aux sources de l’éthique ». L’article de 21 pages étudie l’articulation de l’esthétique avec l’éthique, une des voies de la recherche de Diderot en cette matière, à partir d’une analyse d’une scène de naufrage rêvé qui conclut de façon surprenante et inconvenante, la fameuse balade Vernet du Salon de 1767. La « promenade » fictive de Diderot a été maintes fois étudiée, depuis l’article de J. Chouillet. En revanche la fin de ce parcours dans les toiles exposées du paysagiste et marinier, à la fois « recoupe » et « réclame » comme il qualifie ces « petites bouffées philosophiques », est beaucoup plus problématique et n’a pas été l’objet d’analyses. Diderot la conclut par un de ses nombreux suppléments où il analyse les mécanismes du rêve et de l’érection, finit par un rapide résumé des idées de Burke sur le sublime. Au préalable, il aura inséré deux naufrages en rêve : le premier est une scène d’horreur et de sacrifice telle qu’il les affectionne ; le second présente un heureux dénouement. Dans les deux rêves, le motif central est une épouse et / ou mère, motif pathétique central dans les marines de Vernet, essentiel au sublime du peintre. Dans le premier, l’une demande à se sacrifier, tandis que dans le second, l’autre est sauvée de la mort. L’inscription de ce rêve dans le sublime n’est pas l’objet de cette étude. Elle requiert une analyse de grande ampleur qui ne convient pas à un article et que j’ai entreprise par ailleurs. Je me concentre sur le motif de l’autoconservation comme source de l’éthique pour comprendre l’importance du premier rêve et sa dimension critique des fondements de la loi morale. Ce premier rêve présente une situation dramatique qui est au cœur des débats, souvent contradictoires, qui placent l’amour de soi (ou instinct de survie, d’autoconservation) à la source de la loi morale et du contrat social. C’est le cas chez Rousseau, et différemment chez Hobbes. Dès les articles de l’Encyclopédie de 1755 (LOI NATURELLE, ECONOMIE morale et politique), Diderot et Rousseau divergent sur la genèse de la loi morale et le statut à donner à l’amour de soi. Mon analyse consiste à comprendre ce rêve et le motif du sacrifice de la mère comme une critique de l’amour de soi, en le confrontant et en le mettant en perspective avec les grands penseurs de la question. Trois discours sont retenus pour leur valeur exemplaire. Ceux de Rousseau bien entendu, avec qui Diderot bataille. Le Kant de la Critique de la raison pratique dont certains accents et exigences se font entendre déjà dans l’article LOI NATURELLE de Diderot et Hume pour la question du « sentiment » et sa critique de l’amour de soi dans sa genèse de la loi morale. La prise en compte des articles SUICIDE et AMOUR PROPRE de l’Encyclopédie nous ramène à une dimension fondamentale de la dramaturgie du naufrage rêvé et à une compréhension renouvelée de l’archéologie de l’éthique. Ils mettent en évidence que la critique de Diderot passe par une autre voie : celle de « l’insu » », notion très développée chez D’Holbach dans son Système de la nature, à propos du suicide notamment. L’insu encore assimilé à « l’instinct » met au jour cette somme d’expériences qui échappent à la conscience comme à la mémoire et qui pourtant nous constituent. Avec l’insu qui met en avant le rôle des situations de détresse et de l’être proche, Diderot esquisse une nouvelle compréhension des sources de l’éthique.
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Dates et versions

hal-04519753 , version 1 (25-03-2024)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04519753 , version 1

Citer

Philippe Déan. Le naufrage en rêve. La détresse aux sources de l'éthique. Diderot Studies, A paraître. ⟨hal-04519753⟩

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