Dans cet article, nous allons montrer comment Cultures & Conflits a contribué à dé-réifier le paradigme de l’intérêt et évaluer l’apport de la revue à cette discussion. Cette dé-réification de l’intérêt repose sur trois élé- ments. Tout d’abord, se pose la question de l’acteur concret qui est à l’origine des dynamiques conflictuelles. Dans les études évoquées, l’acteur sort de l’anonymat qui le fond et le confond avec des acteurs collectifs unitaires, comme le soi-disant intérêt national des États, qui camoufle souvent des inté- rêts plus inavouables comme celui des élites de préserver leur pouvoir. Deuxièmement, nous allons démontrer que la notion d’intérêt est souvent sous-tendue par une représentation instrumentale ou réifiante de l’autre. L’intérêt est toujours dialogique : il implique non seulement une définition de soi mais aussi des autres. Troisièmement, nous montrerons comment le tour- nant « pratique » a enrichi le concept d’intérêt en l’étoffant de dimensions incarnées et en démontrant que les pratiques, comme les activités profession- nelles, constituent un intérêt substantiel dans la définition de soi et de son uni- vers mental.