Alors que la vitesse représente une valeur collective fondamentale, le code de la route fait peser sur le conducteur le poids de la sécurité routière. C'est sans doute pourquoi le code la n'érige pas la question de la vitesse en priorité alors qu'elle intervient comme cause principale ou non d'accident. Les régulations juridiques de la vitesse interrogent les rapports entre les échelles locale et nationale de production et de mise en oeuvre des normes. Elles posent aussi les questions d'effectivité et d'efficacité du droit en la matière. Ces problématiques peuvent être appréhendées à travers trois grandes périodes qu'on peut répartir de la manière suivante : 1900-1973, 1973-2003 et 2003 jusqu'à-aujourd'hui. Le contrôle de la vitesse, réglementée dès l'apparition de l'automobile à la fin du XIX° siècle, a toujours été problématique dans la mesure où il est générateur d'inégalités territoriales et sociales. Déjà, à l'aube du XX° siècle, les premières mesures de contrôle de la vitesse, locales, ont donné lieu à des pratiques anarchiques entraînant pour un temps la suppression des limitations de vitesse. Ensuite, des expérimentations locales menées sur une période plus ou moins longue ont précédé la généralisation au niveau national de la limitation de vitesse introduite en 1973. Les contraventions pour excès de vitesse ont longtemps été objet de tolérance de la part des forces de l'ordre, d'indulgence de la part des divers acteurs de la chaine de contrôle-sanction des infractions et enfin d'amnistie de la part du président de la République. Hormis l'amnistie, codifiée et ciblant tout le monde, ces pratiques discrétionnaires sont dépourvues d'assise légale. Elles présentent des contours divers en fonction de la sociologie locale. Elles remplissent plusieurs fonctions : construction d'une identité professionnelle, gestion des contentieux, établissement de bons rapports avec les populations concernées, échange de services, relations clientélaires, effacement de la sanction du casier judiciaire etc. Certaines catégories de la population en sont les bénéficiaires. Les pratiques de contrôle-sanction des excès de vitesse montrent aussi la difficulté de sanctionner les très grands excès de vitesse par l'outil délictuel : les délits de mise en danger d'autrui et de récidive de très grands excès de vitesse sont peu ou pas utilisés. Lorsqu'ils le sont, ils pénalisent surtout les automobilistes les plus vulnérables. Toutefois, dans le cadre d'une action publique volontariste, l'instauration d'un système de contrôle-sanction automatisé en 2003, est parvenu, certes au détriment du respect de plusieurs principes juridiques, à normaliser grand nombre de comportements relatifs aux excès de vitesse. C'est l'effet positif de la certitude de la sanction. Mais il s'est surtout exercé sur le court-terme du fait notamment de l'assouplissement de la répression des petits excès de vitesse et de la réduction de la période de récupération des points décidées en 2011. Cela a néanmoins permis de diminuer les inégalités de traitement des conducteurs auteurs d'excès de vitesse.