Avec ses amis du cercle de Saint-Benoît, Marguerite Duras est accueillie en 1957 par France Observateur dont elle connaît une partie de l’équipe déjà depuis 1947. Selon Philippe Tétart, France Observateur représente non seulement « une racine marquante et pérenne de la presse hebdomadaire des années 1950 » mais aussi un réseau sociologique et politique qui formule le journalisme intellectuel et guide l’opinion française . Plébiscité à l’époque par la plupart de l’intelligentsia de gauche, son succès doit certainement en grande moitié à la guerre d’Algérie contre laquelle il prend la tête du combat avec l’Express . C’est grâce à cet organe hebdomadaire dont les rédacteurs participent activement à l’histoire politique et culturelle des nouvelles gauches que Marguerite Duras a pu tenter sa chance dans le monde de la presse et travailler pour la première fois comme une journaliste authentique. Du 8 février 1957 au 5 novembre 1964, Marguerite Duras donna 50 articles d’une grande diversité thématique et générique à l’hebdomadaire France Observateur dont la grande majorité parut sous la rubrique « La vie quotidienne » ou dans les pages « Arts, lettres, spectacles », y compris 18 faits divers, 13 interviews avec toutes les catégories sociales, 2 chroniques judiciaires, 12 critiques littéraires, cinématographiques et picturales, 3 enquêtes sociales, 1 apologie et 1 débat littéraire… Dans notre communication et dans l’optique de cette journée d’étude sur les hebdomadaires d’information (1950-1970), nous ferons une analyse détaillée et complète des premières activités journalistiques de Marguerite Duras dans France Observateur et nous emploierons à éclairer les postures et les pratiques qui témoignent de la naissance d’une femme journaliste polyvalente. De prime abord, nous nous demanderons de quelle façon Marguerite Duras, en prenant la posture d’Antigone, s’engage dans les grands événements de l’Histoire à travers quelques faits divers portant sur le retentissement de la guerre d’Algérie. Ensuite, nous proposerons d’analyser comment elle joue du petit reporter des « turbulences de l’âme » et fait entendre le brondissement de la foule en étudiant les faits divers sur la vie quotidienne et les interviews. Enfin nous travaillerons sur ses articles critiques, analyserons sa place dans le journal et chercherons à comprendre si sa poétique journalistique est influencée par son genre et son rôle d’écrivaine.