Etude anthropologique de la perception et de la réception de l’essai clinique « Prévention de la puce chique et de la morbidité associée dans une commune à faible ressource de Madagascar »
Résumé
L’Institut Pasteur de Madagascar, en partenariat avec la Charité-Universitätsmedizin (Berlin), a réalisé
entre mai et août 2011 dans la commune d’Andasibe (région de Moramanga) l’essai clinique
« Prévention de la puce chique et de la morbidité associée dans une communauté à faible ressource à
Madagascar ».
L’objectif de cette étude anthropologique est d’évaluer, a posteriori, la manière dont le déroulement de
l’essai clinique sur la puce chique a été perçu par les participants à l’essai et par les acteurs ayant
participé à sa réalisation. Il s’agit notamment d’étudier la manière dont les informations et les
consignes transmises par les agents de l’essai sont comprises, perçues et respectées (ou non) par les
participants ; les bénéfices et les contraintes ressentis ; les écarts entre les perceptions des agents de
l’essai et les pratiques et perceptions des participants. Cette étude reflète le souci de réaliser des
recherches cliniques dans le respect des normes internationales et dans des conditions éthiques,
médicales et matérielles équilibrées pour les participants aux essais, pour la population locale et pour
les acteurs mettant en oeuvre ces recherches.
Une enquête qualitative par entretiens semi-directifs a été conduite à Andasibe en novembre 2011
auprès de deux catégories d’enquêtés :
- Les agents de santé ayant participé à la réalisation de l’essai clinique (2 médecins coordinateurs
de l’essai, 1 médecin et 1 infirmier major d’Andasibe, 5 agents communautaires) et les
représentants de l’autorité ayant donné leur accord pour la réalisation de l’essai.
- Les participants à l’étude : 24 entretiens ont réalisés avec des personnes ayant participé à l’essai
(8 dans chaque bras de l’essai).
Les entretiens ont été réalisés avec une interprète, ils ont été transcrits dans leur intégralité, en français
et en malgache, puis anonymisés. Ils ont fait l’objet d’une analyse thématique transversale
comparative.
L’analyse des entretiens met en évidence que la puce-chique est une réalité quotidienne et une
problématique de santé importante, et parfois handicapante, pour les habitants. Les participants
enquêtés sont majoritairement satisfaits d’avoir collaboré avec l’Institut Pasteur de Madagascar et
d’avoir participé à l’essai clinique sur la puce-chique, qu’ils ont perçu comme un bienfait pour eux et
pour la communauté toute entière. Cependant, l’analyse des entretiens démontre un certain nombre
d’incompréhensions de la part des participants à l’essai et parfois de la part des agents communautaires
ayant collaboré à sa réalisation. Ces incompréhensions portent principalement sur les objectifs de
l’essai et sur sa dimension expérimentale. La grande majorité des enquêtés n’a pas compris que
l’objectif de l’essai était de tester l’efficacité d’un médicament contre la puce-chique, nombre d’entre
eux pensaient que l’objectif était d’ « éradiquer la puce-chique ». La signification et le contenu du
consentement éclairé restent flous pour la majorité des participants enquêtés. Par ailleurs, il est peu
concevable pour les enquêtés qu’un produit proposé par l’Institut Pasteur de Madagascar ou par un
professionnel de la santé puisse être inefficace ou avoir des effets secondaires indésirables. C’est
pourquoi ils se déclarent favorables au déroulement d’autres essais, qu’ils ressentent comme un
bienfait pour la communauté, en termes d’apports matériel (médicaments), financier (rémunération des
agents communautaires) et en termes de reconnaissance sociale.
La réalisation de l’essai clinique sur la puce-chique a eu plusieurs retombées sur la population locale.
Des tensions et des jalousies se sont exprimées entre les participants et les non-participants à l’essai,
qui ont pu avoir un impact sur le respect des consignes données aux participants (certains ne portaient
pas les chaussures afin de ne pas être repérés comme participants). Des tensions ont également été
exprimées de la part des autorités représentant les quartiers n’ayant pas été choisis pour participer à
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l’essai. Par ailleurs, la réalisation de l’essai sur la puce-chique a favorisé de nouvelles attentes à l’égard
de l’Institut Pasteur de Madagascar : la population souhaite notamment bénéficier d’une distribution à
large échelle du médicament testé, d’autant plus qu’au moment des entretiens, les puces-chiques
étaient de retour.
Ces résultats montrent qu’un effort en termes d’information serait souhaitable. Les modalités de
communication autour de l’essai clinique sont à redéfinir (réunions d’information organisées à
différents moments afin que le plus grand nombre puisse y assister, informations individuelles au
moment des visites à domicile et de la signature du consentement éclairé). Les objectifs de l’essai, sa
dimension expérimentale ainsi que les contours de l’essai (début et fin) et son déroulement doivent
impérativement être explicités de manière à ce qu’ils soient compris de tous. La notion de
consentement éclairé doit également être mieux présentée. Les retombées de l’essai sur les relations
sociales au sein de la communauté et sur les attentes de la population à l’égard de l’Institut Pasteur de
Madagascar doivent être anticipées davantage. Enfin, la consultation des autorités locales (politiques,
religieuses, médicales) et la prise en compte de leurs avis restent indispensables avant la mise en place
de toute étude.
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