Les policiers se pensent et se vivent comme une communauté en proie à la détestation populaire et aux agressions en tout genre. Ils imputent à l’unisson leur impopularité aux médias d’information, désignés comme auteurs ou complices de leur stigmatisation. Ils accusent les journalistes de propager une image biaisée de la police, et d’entretenir avec complaisance les stéréotypes réducteurs ainsi que la suspicion générale envers les violences et les déviances de ses membres. Dès lors, il importe de comprendre la prégnance du sentiment policier d’avoir mauvaise presse, au moyen d’une ethnographie du rapport ordinaire des policiers aux médias. L’hypothèse étant que la réception des actualités policières à la fois traduit et construit la conscience du stigmate. Nous examinerons ensuite, par une analyse de discours, les stratégies policières de dé-stigmatisation engagées dans les arènes publiques médiatiques. L’institution et les syndicats policiers produisent un régime de justification remarquablement stable en réaction à la dénonciation publique des « bavures » policières, lesquelles sont constamment individualisées et psychologisées. En deçà des discours institutionnel et syndical, des policiers exploitent les dispositifs numériques d’autopublication pour raconter de l’intérieur leur métier, dans une mise en discours recouvrant une fonction de réhabilitation dotée de ses propres modalités énonciatives.