Les neurones de la lecture : une rhétorique efficace, des interrogations épistémologiques
Résumé
Les neurones de la lecture : une rhétorique efficace, des interrogations épistémologiques.
Nous appliquons un traitement automatique (logiciel Alceste) puis morphosyntaxique à cet ouvrage de vulgarisation au retentissement considérable, afin d’en démontrer la caractère « applicationniste » : le rapport que noue le scientifique avec le lecteur, la dynamique des places occupées par l’un et l’autre, l’évolution du statut du savoir en jeu, et enfin les stratégies utilisées pour convaincre, concourent à obtenir du lecteur une adhésion « applicationniste » à la thèse de la méthode strictement syllabique comme unique voie possible pour l’apprentissage de la lecture.
Le souci épistémologique nécessite de soulever deux biais :
1. l’inefficacité affirmée de l’approche « globale » repose sur des observations fragiles vu l’insuffisance de la technique utilisée,
2. le panel retenu pour l’expérimentation semble grevé par un contre-exemple de taille : le cas des sourds profonds de naissance, non oralisés et bons lecteurs. En effet :
a. Au 19ème siècle et jusqu’à son interdiction dans l’enseignement (Congrès de Milan, 1880), la langue des signes a permis, sans recours au français parlé, d’instruire de nombreux sourds
b. Aujourd’hui l’enseignement dit « en LSF », minoritaire mais pratiqué depuis les années 1980 en France, continue de former efficacement de jeunes sourds.
c. On sait également que le meilleur prédicteur d’accès à la lecture chez les sourds est non la conscience phonologique mais les compétences en LSF (Niederberger, Prinz, 2005).
La généralisation que s'autorise S. Dehaene pour promouvoir la correspondance grapho-phonétique n’est-elle pas abusive ?
Indications bibliographiques
CHARAUDEAU P. (2005) Le discours politique. Les masques du pouvoir, Vuibert.
CLARK, M. D., MILLER. P. & AL. (2016). « The Importance of Early Sign Language Acquisition for Deaf Readers ». Reading & Writing Quarterly: Overcoming Learning Difficulties, 32, 127-151.
CUSSO R. et GOBIN C. (2008) « Du discours politique au discours expert. Le changement politique mis hors débat ? », Mots – Les langages du politique, n° 88, novembre « Du discours politique au discours expert », ENS Editions.
ENCREVÉ Florence, 2012, « Les Sourds dans la société française au XIXe siècle », Créaphis.
FIJALKOW, J. (2000) Sur la lecture. Perspectives sociocognitives dans le champ de la lecture, ESF éditeur, Collection Didactique du français.
MAYBERRY, R. GIUDICE, A.A., LIEBERMANN, A.M.. (2011). « Reading Achievement in Relation to Phonological Coding and Awareness in Deaf Readers: A Meta-Analysis ». Journal of Deaf Studies and Deaf Education, 16, 164-188.
MOČNIK R. (2010) « Quand l’expert répond au journaliste pour éduquer le public » in DERYCKE & PERONI (dir.), Figures du maître ignorant, P.U.S.E.
NIEDERBERGER, N., PRINZ, P. (2005) « La connaissance d'une langue des signes peut-elle faciliter l'apprentissage de l'écrit chez l'enfant sourd ? » Enfance, vol. 57, no. 4, 2005, pp. 285-297.
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