Depuis la moitié des années 1980, la notion de maitrise de la demande en énergie (MDE) a pénétré les débats politiques, professionnels et scientifiques dans nos sociétés de consommation. Intégrée aux principales politiques publiques dédiées à l’efficacité énergétique en France depuis le début des années 2000, cette notion interroge les pratiques professionnelles des acteurs de l’habitat, mais fait incomber également sur les utilisateurs finaux la responsabilité de la réussite du projet de sobriété énergétique, non sans ambiguïtés. Dans le présent article nous proposons de faire émerger les paradoxes et les enjeux associés, à partir de l’analyse des discours des acteurs de l’habitat concernant les rapports qu'ont les habitants à la consommation énergétique dans leur logement. Pour ce faire nous avons interrogé les logiques d’action des responsables de la conception et de la production du logement collectif, en faisant l’hypothèse que la façon dont les professionnels se représentent les habitants, concernant la dimension énergétique de leur logement, conditionne la manière de penser et structurer les outils dédiés à la réduction des consommations et influence aussi leur efficacité. Du point de vue méthodologique, l’étude de la littérature existante est croisée avec l’analyse d’une vingtaine d’entretiens semi-directifs, menés auprès de différents acteurs (architectes, ingénieurs, bailleurs sociaux et promoteurs privés) de l’habitat actifs sur le territoire national, sur la base d’un guide d’entretien commun. Les résultats de l’enquête sont intégrés dans le cadre d’une réflexion plus large, articulée en trois parties, permettant de répondre aux objectifs suivants : 1) décrire le contexte dans lequel s’inscrivent les discours des professionnels de l’habitat, face à la maitrise de la demande en énergie ; 2) décrire et caractériser leurs points de vue et leurs logiques d’action à partir d’une analyse de terrain ; 3) saisir les paradoxes et les enjeux associés à la manière dont ces mêmes acteurs se représentent les habitants en matière d’énergie.