"Séré de Rivières" forts: from military heritage to environmental heritage
Les forts « Séré de Rivières », du patrimoine militaire au patrimoine environnemental
Résumé
En parallèle de ses monuments antiques et de ses édifices religieux, le patrimoine bâti de Reims, « Cité des Sacres et du Champagne », est également militaire. La ville est notamment dotée d’une ceinture de 13 ouvrages fortifiés portant de l’artillerie et détachés de la ville (c. 6km), construits après la défaite de 1870, entre 1875 et 1885 (7 forts et 5 ouvrages annexes). À l’instar des centaines de forts construits ailleurs en France, ces ouvrages deviennent obsolètes à partir des années 1885- 1886 face à l’invention de la mélinite et de l’obus cylindrique ogival (« crise de l’obus-torpille »). À Reims, ils sont déclassés à la veille de la Première Guerre mondiale, quasiment dans leur état d’origine (fort de type 1874).
Durant la Grande Guerre, certaines de ces fortifications, appelées « Séré de Rivières » du nom de leur concepteur, sont malgré tout intégrées dans les réseaux de défense et soumises à un obusage important, générant des états de conservation variables. Aujourd’hui, leur situation patrimoniale fluctue grandement du fait de trajectoires morphologiques et fonctionnelles hétérogènes, entre utilisation pendant le conflit, puis désaffection (démantèlement pour la reconstruction, abandon, remblaiement) et reconversion (muséographie mémorielle et oenotouristique, stockages, réappropriation associative). L’amélioration de la compréhension de ces anciennes structures fortifiées, permise grâce à une approche géographique pluridisciplinaire par essence, fourni de précieux apports au processus de patrimonialisation inhérent à tout territoire, Une analyse spatiale sous SIG permet ainsi de croiser des archives lacunaires avec des données microtopographiques (LIDAR) et d’autres relevées sur le terrain (géologiques, géomorphologiques, biogéographiques) dans le but de dresser un diagnostic synthétique des multiples trajectoires des forts.
Leur étude révèle que la présence de ces forts, bien que souvent insoupçonnée car cachée par le couvert forestier constitue un vecteur de dynamisme territorial depuis un siècle grâce à un important potentiel de valorisation patrimoniale. Il s’agit d’une part de vecteurs touristiques mémoriels (fort de la Pompelle classé monument historique en 1922, muséifié en 1972), oenotouristiques et ludiques. Les reconversions de ces structures tombant en ruine, générées par des acteurs communaux et associatifs, participent ainsi au développement d’une économie circulaire. D’autre part, en parallèle de ce patrimoine matériel conventionnel, émerge un patrimoine environnemental, résultant de l’hybridation entre ces ruines de guerre et les milieux naturels. Il peut être d’ordre géomorphologique (polémotopographie, géomatériaux de construction), pouvant aboutir à la création de polémogéomorphosites représentatifs du rôle de la guerre dans le bouleversement du relief et du paysage.
Il peut également être d’ordre écologique car comme à l’image des anciens champs de batailles de Champagne sèche reconvertis en camps militaires, ces fortifications soumises à une recolonisation végétale, représentent des ilots de biodiversité dans un paysage d’openfield voué aux agro-ressources. Elles participent ainsi à la lutte contre la fragmentation écologique portée par la notion de Tram Verte et Bleue (TVB). Ils peuvent en ce sens faire l’objet de classements en zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF), et Natura 2000.