Les usages du numérique au musée paraissent aujourd’hui relativement normés et ses pratiques peuvent se structurer en deux grandes catégories de modes de valorisation des collections, l’informatisation - éditorialisation documentaire accessible en ligne d’une part et l’enrichissement informationnel des salles d’exposition d’autre part. Malgré le caractère foisonnant des propositions, véhiculé par des discours d’escorte qui surinvestissent le mythe de l’innovation, le recours aux documents et ressources historiques reste un des points communs de ces propositions éditoriales en ligne et in situ. De fait, la numérisation massive des patrimoines documentaires impacte fortement la création de dispositifs de médiation, mettant en circulation des documents et ressources historiques qui acquièrent, en complément de leur valeur indicielle de preuve, une valeur d’usage. Comment peut-on dès lors appréhender cette valeur d’usage ? Quels récits sont ainsi véhiculés et, plus largement, quel schème interprétatif permet d’interpréter ces substituts numériques ? Nous proposons de répondre à ces questions à partir d’un terrain particulier, celui du patrimoine littéraire et des substituts numériques des collections littéraires valorisées par des structures aussi diverses que des centres d’archives, des musées et des maisons d’écrivains. Nous nous concentrerons sur les pratiques in situ et sur la façon dont l’introduction d’adjuvants numériques transforment non seulement les propositions d’interprétation du patrimoine littéraire mais aussi les organisations professionnelles de ces structures aux statuts si différents. Seront ainsi abordées les représentations des publics qu’ont les acteurs de terrain ainsi que les logiques des appels à projets et les injonctions auxquelles ces derniers sont soumis. Enfin, parallèlement à la notion de “culture numérique” (Cardon, 2019), nous proposerons le concept de “muséologie pervasive” pour analyser les formes d’introduction du numérique dans ces expositions littéraires.