Comment s’élaborent les usages des nouveaux dispositifs d’autosurveillance par les patients ? Comment ces usages font-ils évoluer le suivi des pathologies et la prévention des risques liés à la maladie ? Dans quelle mesure ces dispositifs favorisent-ils l’autonomisation (empowerment ou « encapacitation » en français) des patients atteints de maladies chroniques ? Ce projet de recherche en sciences humaines et sociales a donné lieu à une étude qualitative portant sur les modalités d’intégration et d’utilisation concrètes d’un dispositif d’autosurveillance, dénommé « Pheal », dans le quotidien de patients atteints de mucoviscidose. Ce dispositif est composé d’un ensemble d’objets connectés, à savoir une montre, une balance, un spiromètre et un sous-matelas, qui permettent de relever régulièrement des paramètres physiologiques (poids, oxygénation, nombre de pas, etc.) et de les consulter sur une application mobile qui offre aussi la possibilité de saisir manuellement des ressentis (fatigue, essoufflement, gêne, etc.) et des traitements mis en place. L’objectif est de permettre aux patients de suivre ces paramètres afin d’anticiper une dégradation de leur état de santé voire de la prévenir en ajustant leur comportement. Le dispositif vise aussi à devenir un support de connaissance de soi, concernant son corps, ses activités quotidiennes et sa maladie, et à contribuer ainsi à l’éducation thérapeutique du patient. Enfin, le dispositif permet de partager des mesures avec l’équipe soignante, conduisant ainsi à améliorer la prise en charge par cette équipe qui est désormais mieux informée de l’évolution de l’état de santé du patient entre les différentes visites au sein du CRCM. Cette recherche a consisté en la réalisation d’une étude qualitative monocentrique et longitudinale, avec un panel de 13 patients équipés par le dispositif d’autosurveillance Pheal et les membres de leur équipe soignante. Les patients recrutés au sein du CRCM se sont vus proposer un essai du dispositif à leur domicile, pendant une durée moyenne de 6 mois, selon la fréquence et les modalités de leur choix. Les patients se sont engagés ensuite à réaliser une série de trois entretiens avec les chercheurs au début, au milieu et à la fin de l’essai, concernant successivement leur parcours et leur expérience personnelle avec la maladie, leurs premières impressions à propos des objets connectés et, enfin, les usages qu’ils ont pu développer dans le cadre de l’essai. L’objectif de la recherche est de comprendre comment les usages des outils connectés se développent au sein du domicile, selon les différents contextes d’appropriation des patients et en partenariat avec leur équipe soignante. Il s’agit également d’évaluer la manière dont ces usages peuvent faire évoluer l’expérience subjective de la maladie. L’étude a été complétée par deux séries d’entretiens semi-directifs et un focus group réalisés avec les professionnels de santé pour évaluer les effets du dispositif sur la relation thérapeutique et la prise en charge des patients. Cela a permis notamment de dégager quelques enseignements sur les conditions dans lesquelles son déploiement peut être réalisé de manière satisfaisante pour les patients et les soignants, c’est-à-dire de manière à soutenir l’encapacitation des personnes atteintes de mucoviscidose.