Les changements de couleur de la peau du visage par afflux sanguin sont des marqueurs d’émotions chez l’Homme. Cette capacité des parties de peau dénudées à changer transitoirement de couleur a été décrite chez plusieurs espèces d’oiseaux. De plus, nous avons récemment montré un lien entre changement de couleur de peau et contexte émotionnel chez les Aras (A. ararauna). La poule domestique (Gallus gallus domesticus) n’a jamais été étudiée dans ce cadre. Nous avons donc cherché à savoir 1) si elle était capable de changer de couleur de peau en fonction du contexte émotionnel, 2) si la couleur de la peau pouvait être un marqueur de la qualité de la relation à l’Homme. Lors d’une première étude, le lien entre le contexte émotionnel et le taux de rouge de 4 zones d’intérêt (crête, barbillon, oreillon, joue) a été étudié dans 2 groupes de poules rustiques juvéniles (7 Meusiennes et 10 Pékins). Les situations à valeurs émotionnelles contrastées utilisées étaient : récompense, bain de poussière (valence positive de forte intensité) ; toilettage, repos, mange (valence positive de faible intensité) ; alerte, capture (valence négative de forte intensité). Il y a une interaction significative entre les situations et les zones d’intérêt pour la variation du taux de rouge chez les deux races (Meusiennes : p=0,002, Pékins : p=0,0003). La joue est la région où les situations sont le mieux dissociées : le taux de rouge est significativement plus important pour alerte, capture et récompense que pour repos, mange et toilettage. Le bain de poussière est significativement différent des autres situations avec un taux de rouge intermédiaire chez les Meusiennes, alors qu’il n’est significativement pas différent de alerte et récompense chez les Pékins. Le taux de rouge permettrait donc de différencier les émotions, du moins sur la base de leur intensité. Dans une seconde étude nous avons testé si la couleur de la peau pouvait être un indicateur de l’état émotionnel dans un contexte d’habituation à l’Homme. Deux groupes de Sussex juvéniles (habituées –6 semaines d’habituation, n=13 ; témoins n=12) ont été soumis à 2 tests : environnement nouveau (valeur émotionnelle similaire pour les 2 groupes) puis réactivité à l’Homme (valeur émotionnelle différente). Lors du test d’environnement nouveau, les 2 groupes ne diffèrent pas significativement. Lors du test de réactivité à l’Homme, par rapport aux poules témoins, les poules habituées viennent plus rapidement toucher l’expérimentateur (p=0,03), l’explorent plus longtemps (p=0,0003), et montrent plus de comportements de confort (p=0,01). Cet effet positif de l’habituation est associé à un taux de rouge plus faible dans 3 zones sur 4 (barbillon p=0,01, joue p<0,0001, oreillon p=0,0003). En conclusion, la couleur de la face de la poule est un indicateur de son état émotionnel, qui est une des composantes essentielles du bien-être animal. Elle pourrait servir notamment pour évaluer la qualité de la relation à l’Homme.