Exception faite de travaux d’anthropologie, travailler sur l’archive en tant qu’objet de recherche était jusqu’à une période récente le pré-carré des historiens archivistes et plus particulièrement des archiviste de l’Europe (Espagne, France, Italie, Allemagne, Grèce...) Des incursions étaient également faites dans les pays d’Afrique comme l’Afrique du Sud ou sur les manuscrits de Tombouctou (Soudan) par exemple… mais aussi en Chine, au Cambodge… Depuis les révoltes arabes, les archives ont changé de visage ; les acteurs de l’archivage se sont démultipliés et ainsi le champ sémantique de l’archive (en arabe mais aussi dans le champ des études sur la Syrie) s’est enrichi mais tend à perdre en précision. Les études en sciences sociales connaissent depuis 2011 un engouement sans précédent pour la Syrie malgré l'inaccessibilité du terrain. Ainsi, les chercheurs ont dû inventer de nouvelles méthodes, fabriquer ou/et trouver de nouvelles sources ou de nouveaux accès aux sources. Ces nouvelles pratiques ont donné en partie naissance à la fabrique d’archives de l’instantanée. A contrario, avant 2011, le terrain syrien était le domaine de prédilection des historiens et des archéologues de l’Antiquité à la première moitié du XXe siècle. La profusion des études en histoire sur la Syrie trouvait toutefois ses limites en fonction de l’accessibilité ou non des sources. Aujourd’hui, les fonds semblent sans limite et pourtant les études sur l’histoire de la Syrie moderne et contemporaine sont en décroissance. L’historien de la Syrie semble manquer de terrain et parfois se travestit ainsi en historien du temps présent. Est-ce à dire que le contexte de guerre entrave une nouvelle écriture de l’histoire ? Ou s’agit-il d’une impossibilité d’envisager les archives aujourd’hui comme source pour l’histoire? Dans cette période de frénésie de « l’archive » et de « l’archivage » sur et en Syrie, il s'agit de réfléchir sur le développement même du champ de l’archivistique sur la Syrie mais aussi de s’interroger sur cette profusion documentaire, leur devenir, leur valorisation, leur conservation, leur statut au regard de l’écriture de l’histoire de la Syrie avant et après 2011. Enfin ne faut-il pas s’interroger sur l’acte d’archivage, action sans laquelle l’archive n’existe pas ? Cette documentation « archive d’aujourd’hui pour demain » est-elle un enregistrement, une trace, un témoignage, ou tout simplement de preuve. Est-ce une archive de l’instantanée pour faire mémoire ou tout simplement pour alerter la communauté internationale sur l’événement en train de se faire ?