Une opération d’archéologie préventive a été menée par la Direction de l’Archéologie du Pas-de-Calais du 10 août au 30 septembre 2020 sur le territoire de la commune de Thérouanne, au n° 24 de la chaussée Brunehaut, au lieu-dit la Râperie. L’emprise du projet (un magasin Carrefour) totalise 4500 m² ; la fouille fait suite à un diagnostic réalisé au mois de mai 2019. Ce secteur de la Râperie et des Oblets à Tervanna a déjà fait l’objet de découvertes et de sondages archéologiques qui se sont révélés positifs que ce soit au nord ou au sud de l’emprise prescrite ainsi que de l’autre côté de la chaussée Brunehaut. La fouille de 2020 a révélé plusieurs phases d’occupation allant de la période romaine à la Seconde Guerre mondiale. Une occupation à la fois artisanale et funéraire pour la période romaine prend place le long de la voie principale menant à Arras puis, après un hiatus, une occupation domestique du bas Moyen-Âge prend place, comprenant un bâtiment avec foyer et de nombreuses fosses dépotoirs, avant une destruction et un abandon du secteur. Les dernières phases d’occupation du site sont caractérisées par de grandes fosses vraisemblablement liées au marnage ; enfin, les stigmates du dernier conflit mondial sont représentés par des cratères de bombes en lien avec la destruction de la voie ferrée. L’intérêt majeur de cette opération réside en la mise au jour de trois fours de potiers romains datés du Haut-Empire. Ces structures artisanales de production de céramique, sont les premières à être mises au jour sur le territoire de la capitale des Morins. Nous ne sommes pas ici au coeur de l’agglomération romaine qui se développe au nord de la Lys mais dans ce que l’on nomme communément les suburbia, les marges de la ville. L’officine de potier prend place à l’intérieur de la zone non aedificandi le long de la via principalis Tervanna-Nemetacum. Le mobilier céramique date de la deuxième moitié du IIe s. ap.-J.-C. et du début du IIIe s. ap.-J.-C. et la production est majoritairement orientée vers la fabrication de cruches à une ou deux anses. Deux types de fours ont été identifiés avec d’une part deux fours à double volume et d’autre part un four à simple volume dont la production semble différente. L’un des fours est particulièrement bien conservé et possède un laboratoire de cuisson de 1,50 m de diamètre. L’étude du mobilier ainsi que le rapport de fouille sont actuellement encore en cours. Une fosse de décantation d’argile a également été mise au jour et, avec la découverte d’un puits, la séquence complète de fabrication de céramique est présente sur le site ; même si nous ignorons l’emplacement du lieu de tournage des poteries, celui-ci est assurément dans un environnement proche. L’activité potière installée en marge de l’agglomération comme ici, s’observe ailleurs en Gaule sans grande surprise, à l’instar de Saintes. La particularité de ce secteur de Thérouanne est que l’on observe une contemporanéité d’occupation du site à la fois pour des activités artisanales et d’habitat mais également pour le monde des morts. Nous avons ainsi mis au jour en fond de parcelle plusieurs bûchers funéraires du Haut-Empire, en front de rue, entre deux fours de potiers, une tombe à résidus de crémation là aussi attribuée au Haut-Empire, enfin, deux inhumations du Bas-Empire (mais sans mobilier) ont également été découverte lors de la fouille. Ce sont ici les prolégomènes d’une recherche plus vaste car au-delà de l’analyse intrinsèque du site, la remise en contexte de ces nouvelles données va renouveler indéniablement nos connaissances sur la ville de Thérouanne à travers les siècles et particulièrement pour la période romaine car désormais l’on pourra identifier plus aisément au sein des futures opérations archéologiques le mobilier qui fut produit au sein de la capitale des Morins.