On peut tenir à bon droit Giorgio Agamben pour le représentant le plus éminent de ce courant qui s'est constitué autour de l'idée de « destitution »-et dont la manifestation la plus marquante, dans le paysage « intellectuello-politique » est à trouver dans les ouvrages du Comité invisible 1. Quand Julien Coupat et Eric Hazan publient un texte intitulé « Pour un processus destituant » 2 alors que dans L'Usage des corps 3 on trouve un chapitre « Pour une théorie de la puissance destituante », la connexion est directe, évidente. J'ai récapitulé sous le syntagme « Vivre sans » tout ce courant d'idées et de pratiques mêlées qui va de la philosophie presque pure jusqu'aux occupations de ZAD 4. « Vivre sans », en effet puisqu'il y est question d'affirmer, en théorie ou en pratique, l'idéal d'une vie débarrassée-de l'Etat, de l'argent, du travail, de la police, mais en fait, plus largement, des institutions, une vie radicalement sans institution. On peut évidemment discuter d'une telle perspective dans des plans très différents, politique, stratégique, mais aussi philosophique. A cet égard, il est très clair que le thème de la « destitution » est peut-être le plus central, le plus structurant même, dans l'ensemble des énoncés du « vivre sans ». Par conséquent, discuter de la destitution réclame d'abord d'en discuter la base proprement philosophique, telle qu'elle nous est livrée par l'oeuvre d'Agamben. Le détour peut sembler baroque et pourtant : il va falloir en passer par l'ontologie. C'est que la destitution chez Agamben est le terminus politique d'une philosophie dont les préoccupations premières sont d'une autre nature. Il est important ici de saisir l'économie générale de cette philosophie pour comprendre comment l'idée de destitution s'y insère, ou plutôt en découle. Son économie générale ou son mouvement d'ensemble si l'on préfère. Car, reconstruite selon son ordre logique, la philosophie d'Agamben procède d'une séquence qui enchaîne les concepts centraux de séparation, suspension et destitution. Si donc le terminus