Une des problématiques environnementales contemporaines majeures est celle du changement climatique et de l’adaptation des sociétés à ses effets attendus. Les différents scenarii d’évolution potentielle des transformations inhérentes à celui-ci mettent en exergue deux conséquences extrêmes pour l’espace méditerranéen : l’allongement de périodes de sécheresse corrélé avec le développement d’épisodes pluvieux violents. Les transformations du climat conduiraient donc à deux types de situations, soit pas assez d’eau pour tous, soit trop d’eau, toutes deux ayant des impacts forts sur le devenir économique et social des sociétés humaines. Sans prétendre résoudre tous les problèmes engendrés par cette situation, notre recherche dans le sud-est de la France sur les canaux d’irrigation agricole permet d’ouvrir quelques perspectives utiles à une gestion de l’eau, qui tienne compte des effets du changement climatique, à savoir rareté de la ressource ou gestion de sa trop grande abondance. C’est aussi montrer que les formes de gestion agricole du territoire peuvent être des aides efficaces pour prendre en charge des problèmes dits environnementaux. Contrairement aux régions à forte pluviométrie, les régions méditerranéennes ont du depuis des siècles composer avec la rareté de l’eau et/ou son inégale répartition dans le temps et dans l’espace. C’est pourquoi la construction du « partage » de l’eau est inhérente au développement des sociétés méditerranéennes. En ce qui concerne la région provençale, ce partage a revêtu des formes multiples : entre l’amont et l’aval (des Alpes au Comtat Venaissin), entre les deux rives de la Durance (Vaucluse et Bouches-du-Rhône), entre différents usages et usagers, mais aussi entre une même catégorie d’usagers. Cette culture du partage ne s’est pas faite sans conflits et dont les règlements ont été constitutifs de formes singulières d’organisation et de gestion collective de l’eau. Dans un premier temps nous montrerons comment cette organisation collective s’est progressivement construite et quelle peut être son utilité contemporaine face aux nouveaux défis environnementaux. Outre la gestion de la rareté par le partage, les structures hydrauliques anciennes des canaux d’irrigation gravitaire sont susceptibles d’aider aussi à la prise en charge d’un des effets attendus du changement climatique, le risque d’événements pluvieux intenses accompagnés d’inondations. C’est ce que nous analyserons dans un deuxième temps. Enfin, nous nous intéresserons à un rôle méconnu mais qui peut s’avérer essentiel au regard des nouvelles politiques environnementales, à savoir l’interaction entre biodiversité des canaux et milieu naturel. En effet, ces canaux semblent jouer un rôle important dans le maintien d’une biodiversité ichtyologique en rivière et pourraient contribuer à la préservation de corridors écologiques tels qu’ils sont prônés dans les projets de « trames vertes et bleues » , outil réglementaire issu de la loi Grenelle.