Les travaux qui proposent une analyse ethnographique de l’Etat constituent un courant important et novateur au croisement de la science politique et de la sociologie. En s’appuyant sur les travaux existants, ce chapitre s’attache à montrer notamment comment l’immersion ethnographique permet de saisir les pratiques professionnelles en les articulant aux enjeux posés par la structuration des services, leur place dans la hiérarchie des administrations étudiées, l’organisation du travail ainsi que les trajectoires professionnelles et personnelles. L’ethnographie pour autant qu’elle se place au ras des pratiques permet également d’étudier la forme prise par la mise en œuvre bureaucratique et les usages sociaux du droit (les écarts par rapport aux textes réglementaires et les formes de réappropriation que les agents font de certaines notions juridiques). Cette approche constitue en ce sens un des moyens de saisir l’exercice du pouvoir discrétionnaire et les glissements possibles, même dans l’État de droit, du discrétionnaire à l’arbitraire. En se plaçant au guichet de administrations, l’étude ethnographique de l’État consacre également une part importante aux interactions entre agents et usagers. Elle rend ainsi compte des formes d’ajustement mis en œuvre de part et d’autre, comme des effets que l’épreuve administrative dans ses composantes bureaucratiques et normatives mais aussi émotionnelles produit sur les individus.