1."Droit public et handicap" est d'abord un ouvrage collectif inscrit dans le projet plus global « Droit public et… – un ouvrage, un colloque », qui a pour objectif d’améliorer la connaissance du droit public et de ses interactions avec des questions sociétales fondamentales. Dans le même projet : -GUEZOU O. et MANSON S. (codir. sc.), Droit public et nucléaire, 306 p., 2013, Bruylant -GUEZOU O. et MANSON S. (codir. sc.), Droit public et culture, 309 p., 2020, Bruylant L'ouvrage "Droit public et handicap" est ainsi le fruit de la volonté de chercheurs aux spécialités diverses de se regrouper dans un projet véritablement transversal. La démarche a pour objectif de permettre un regard neuf et sans présupposé sur le droit du handicap, un regard enrichi d’expériences acquises dans d’autres contextes ou d’autres disciplines juridiques. 2.« Droit public et handicap » est un ouvrage d’analyses juridiques au service d’une ambition parfaitement circonscrite : mettre au jour, sous l’éclairage du droit public, les principaux aspects du versant juridique de la question du handicap. Il s’agit aussi d’examiner réciproquement, ce que peuvent être les implications ou les répercussions du handicap sur les concepts, notions et régimes fondamentaux du droit public. Une telle approche est nécessairement partielle : elle ne se conforme pas a priori à l’appréhension du phénomène par les disability studies, dont la méthodologie transverse et pluridisciplinaire suggère une compréhension globale de la question (D. Johnstone : An introduction to disability studies, David Fulton Publishers Ltd, 2ème ed. 2007). Partielle, l’approche du handicap par le droit public doit toutefois se garder de se révéler par trop étriquée : l’histoire du droit, la science politique ou la science administrative, seront donc ici, comme en bien d’autres circonstances, les alliés précieux qui renseignent sur le contexte et permettent une juste mise en perspective. 3.Enfin, et peut-être surtout, « Droit public et handicap » est également un ouvrage anniversaire : celui du texte fondateur du droit français actuel du handicap, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Les cinq années écoulées autorisent déjà un premier bilan, un bilan d’étape qui souvent s’impose pour rectifier, continuer puis aboutir ; c’est aussi en l’occurrence un bilan de mi-parcours avant l’échéance retenue par la loi elle-même pour la mise en accessibilité obligatoire de la plupart des lieux publics et des transports. 4.Cette loi est la colonne vertébrale du droit français du handicap. Elle confirme et renforce autant qu’elle innove. Elle confirme tout d’abord ce que la loi n° 534-75 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées affirmait en substance pour la première fois, et ce que celle du 17 janvier 2002 (loi n° 2002-73 de modernisation sociale) rappelait avec force : l’inscription du handicap dans le champ des droits et libertés. Le paradigme n’est plus celui de la charité ou de l’assistance, encore moins celui de la relégation. Il est devenu celui du droit aux droits : « les personnes handicapées dans la démocratie de proximité et de solidarité, n’attendent pas de compassion, mais seulement le respect de leurs droits » (J. Kristeva, conférence du 21 nov. 2006. Université Lyon II), le respect de leurs « droits à », ces droits-créances par lesquels s’incarnent la solidarité et plus encore, la Fraternité (V. M. Borgetto : La notion de fraternité en droit public français. BDP t. 170. LGDJ 1993). Mais c’est aussi du respect de leurs « droits de » dont il est question, ces droits-libertés par lesquels les personnes handicapées deviennent, enfin, des sujets de droit agissants, et en dernière analyse des citoyens à part entière. Le handicap est donc très clairement saisi par le droit : comment aurait-il pu en être autrement ? L’idée même de handicap naît de l’impossibilité ou de la difficulté d’une interaction entre une déficience et l’inadaptation de l’environnement. Ainsi, le handicap suppose-t-il nécessairement une rupture d’égalité, qui place celui qui le subit en situation de désavantage. La résorption, voire la suppression du handicap devient envisageable par une égalisation des droits et des chances, ce que confirme encore la loi du 11 février 2005 dans son intitulé même. De fait et quasi-naturellement, le handicap apparaît au centre d’un réseau de questionnements typiquement juridiques. Les problématiques qu’il soulève, pour être complexes, sont néanmoins familières à un droit public dont le principe d’égalité constitue l’une des pierres angulaires. Par ailleurs, la loi n° 2005-102 est également un texte porteur d’innovations. Elle en apporte quatre principales. Les trois premières sont importantes : une définition renouvelée du handicap et de la personne handicapée, des éléments de simplification dans les prestations octroyées, et un champ d’application transversal permettant de couvrir les multiples formes de handicap. La quatrième est décisive puisque le texte assigne une véritable obligation de résultat : au 1er janvier 2015, la plupart des lieux publics et des transports devront être accessibles aux personnes handicapées. Une telle obligation confère aux droits déjà proclamés, la dimension fondamentale de l’effectivité. Elle confirme en l’amplifiant, l’insertion du handicap dans le sillage de l’égalité des chances et de l’équité, son introduction dans les traces de l’hyper-subjectivisation des droits, et son intégration dans la famille des droits sociaux, ces droits qui considèrent l’Homme in concreto, dans la réalité et les contraintes de son environnement. Par sa nature, son champ d’application et son contenu, cette obligation de résultat concerne au premier chef le droit public et renforce encore l’intérêt d’une étude centrée sur l’articulation entre « Droit public et handicap ». Cette dernière, dans un contexte particulièrement évolutif, conduit à observer que « le handicap en droit public » a désormais gagné une réalité conceptuelle, institutionnelle et normative forte (Partie I) dont l’effectivité implique un « droit public du handicap » volontariste et ambitieux (Partie II).