Conformément aux avant-gardes du XX ème siècle qui se sont affirmées en rejetant ce qui précédait, les acteurs de la danse contemporaine se sont opposés à la danse classique, non pas de façon frontale, mais en recourant à des procédés qui ont progressivement sapé sa domination (création d'un diplôme d'État, de centres d'enseignement, de création et de diffusion dédiés, ouverture d'un espace médiatique dans des revues d'art contemporain ou interdisciplinaires). Puis dans les années 1990-2000, c'est au tour de la nouvelle génération de critiquer l'héritage des années quatre vingt, en puisant son inspiration dans les courants post-modernes des années 60-70 américains. Entre rejet et héritage, cette génération de chorégraphes opère une rupture pour affirmer le caractère conceptuel de leurs productions avec le soutien des chercheurs en danse. Au-delà d'un processus ordinaire dans l'évolution des courants artistiques, Giuseppe Burighel souligne comment certains ont commencé à s'emparer eux-mêmes de la critique, soit à propos de leur pairs, soit pour s'auto-critiquer, ce qui a eu pour conséquence de mettre « à mal la fonction de critique ». En devenant « comme une espèce de critique d'art ou de théoricien de l'art par la promotion de conception anti-consumériste et anti-institutionnelle », ils se sont conformé aux critères définissant les oeuvres d'art conceptuel. Cette notion nécessite donc quelques précautions, comme l'attestent les travaux du chercheur en danse Giuseppe Burighel, qui distingue les discours sur la danse et « la reconfiguration esthétique via les discours. » Parmi les reconfigurations, l'essentiel de la critique en danse a élaboré un dispositif de légitimation institutionnel, scientifique et politique fondé sur une connivence, qui s'exprime à travers « le jeu puissant des mots » , chorégraphes et chercheurs se donnant réciproquement des gages de légitimité, mettant en commun leurs réseaux d'influences et leurs systèmes d'alliances pour valoriser leur réputation. Elle s'est transmuée en un échange circulaire de discours laudateurs où les oeuvres et les discours sur les oeuvres se confondent.