Faisant tout à la fois peu cas et peu place à ce qui lui est autre, le théâtre serait-il coupé du monde ? Peut-être injuste, ce reproche, qui trouve un écho dans les champs médiatique comme politique, doit être entendu : il suggère une unicité avec laquelle il est difficile de rompre. Le geste de Caroline Guiela Nguyen qui, dans ses mises en scène, fait notamment appel à des interprètes issus, comme l’on dit, de la diversité (« des diversités » serait plus juste : diversité artistique, diversité ethnique, diversité sociale, entre autres), n’en est que plus fort, ouvrant le théâtre à une altérité radicale. Dans Saïgon comme dans Fraternité (conte fantastique), la scène se fait refuge pour toutes celles et tous ceux qui ont été arrachés à leur terre. Ce plateau est-il pour autant hétérotopique ? En quoi un restaurant vietnamien ou un centre de soin peuvent-ils être envisagés, avec Foucault, comme « des sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels […] sont à la fois représentés, contestés et inversés » ? Se confrontant à ces questions, il s’agira dans cette communication de penser le « refuge vécu » (Vinh Nguyen) que met en scène Caroline Guiela Nguyen dans ses spectacles.