De nombreux travaux récents ont montré l’importance des différentiations sociales précoces dans le développement du langage (Hart & Risley, 2003 ; Farkas & Beron, 2004 ; Fernald & al., 2013 ; Sullivan & al., 2013). Le rôle joué par l’environnement culturel propre à la famille, mais aussi plus spécifiquement par des pratiques parentales comme la lecture partagée ou les manières de parler à l’enfant, a également été exploré (Rodriguez & al., 2009 ; Row, 2012 ; Dickinson & al., 2012 ; Cartmill & al., 2013 ; Geay & Humeau, 2015). Les travaux sur la littératie précoce, nouveau champ de recherche constitué au carrefour de différentes disciplines, ont mis en évidence la place de l’écrit dans les interactions entre parents et enfants et s’intéressent de plus en plus aux pratiques concrètes qui concourent à la formation des dispositions de l’enfant (Lemke, 2000, 2001; Pahl, 2008; Piasta & Wagner, 2010 ; Sénéchal, 2011; Joigneaux, 2013). Nous entendons contribuer à cette perspective de recherche en analysant dans la durée les pratiques parentales, les styles d’interactions langagières et les productions langagières des enfants qui se développent notamment au travers des activités ludiques dans des familles de différentes classes sociales. Nous exploitons à cet effet les matériaux recueillis dans le cadre d’une étude longitudinale qualitative (entretiens avec les parents, observation du cadre de vie et des interactions, protocoles de jeux filmés avec les enfants), conduite auprès de 50 familles ayant toutes eu un enfant en 2011 et qui ont été suivies pendant six ans.