Dès lors que l’on se fixe pour objectif d’étudier les manières dont les enfants s’approprient les normes et les principes moraux qui organisent leurs univers sociaux, s’intéresser aux usages qu’ils font de la fiction et du jeu avec la fiction présente un intérêt majeur. Sans même mobiliser les théories développementales (Brougère, 2005), de même que l’on peut s’intéresser aux usages de la littérature chez les adultes (Coeckelbergh, 2007), on peut considérer le recours à la fiction comme un moment de formation du jugement moral. L’objectif de cette communication sera, d’une part, de restituer les normes de régulation de soi et du rapport aux autres auxquelles sont exposés les enfants, selon les situations sociales où ils grandissent, en tenant compte de leur sexe et de leur milieu social, d’autre part, d’analyser les façons dont ils se positionnent, assimilent, résistent, s’identifient, construisent leurs propres manières d’être, notamment au travers de leurs pratiques ludiques (Maccoby, 1988 ; Baerlocher, 2006 ; Court, 2017 ; Geay, 2019). Nous exploitons à cet effet les matériaux recueillis dans le cadre de l’étude longitudinale qualitative Génération 2011 (entretiens avec les parents, observation du cadre de vie et des interactions familiales, protocoles de jeux projectifs et de jeux symboliques filmés avec les enfants), conduite auprès de 50 familles ayant toutes eu un enfant en 2011 et qui ont été suivies régulièrement de la naissance à l’âge de cinq ans et demi.