En 1888, dans le cadre de l'Exposition Universelle que Barcelone organise, le plus grand monument jamais édifié en hommage à Christophe Colomb est inauguré. L'édifice, placé en bas des Ramblas, à deux pas du port, consiste en une immense colonne de 63m de haut-plus haute que celle de Trafalgar Square-, couronnée par une statue gigantesque du découvreur représenté au moment où il aperçoit le sol américain, le doigt tendu vers le Nouveau Continent. Ce monumentalisme est à la hauteur de l'enjeu d'un projet colossal né en novembre 1874, alors que l'Espagne bruisse des rumeurs d'une restauration monarchique, après l'épisode révolutionnaire de la Gloriosa en 1868. Lorsque le jeune monarque, Alphonse XII, rentre de son exil marseillais en 1875, il pénètre en Espagne par ce même lieu consacré à l'entrée maritime des souverains espagnols. L'inauguration se déroule en grande pompe, le jour anniversaire de la Régente, Maria Cristina : le monument est le clou de l'Exposition et marque à jamais la silhouette de la capitale catalane. Il est surtout une entreprise de glorification de l'impérialisme espagnol qui renaît de ses cendres à partir de 1860, avec la "guerre d'Afrique" menée par le général Prim au Maroc, en même temps qu'il est une promesse de prospérité industrielle et commerciale pour les élites catalanes. Le monument à Colomb, le premier du genre inauguré en Espagne à l'époque, illustre un véritable projet de société fondé sur l'ordre public, la prospérité industrielle et la reconstitution d'un empire colonial.