Quelle est la place de la sociolinguistique dans les recherches en acquisition des langues étrangères (RALE) ? Dans son panorama historique, Hilton (2021) expose la façon dont le champ de la RALE s’est constitué à partir de clivages théoriques entre trois principaux courants, à dominante linguistique, sociolinguistique ou psycholinguistique. Nous nous focaliserons sur le clivage opposant la conception sociolinguistique de la langue proposée par Labov (1966, 1972) et la théorie innéiste de la faculté de langage émanant des travaux de Chomsky (1965) et chercherons à retracer l’héritage de Labov dans certains travaux fonctionnalistes (de la branche linguistique) et interactionnistes. Les sociolinguistes placent la variation au cœur du discours humain, et pointent l’aspect déterminant du contexte social d’un échange sur les choix formels effectués par les interlocuteurs. Les études variationnistes abordent ainsi l’acquisition en tant que pratique sociale située, et examinent deux types de variation : la variation sociolinguistique qui concerne des variantes langagières présentes dans la langue cible, et la variation interlangagière, présente dans les productions d’apprenants (Edmonds, 2020). Nous verrons en quoi ces deux types de variation réinterrogent la notion de norme. Le courant sociolinguistique en acquisition des langues s’intéresse également à l’utilisation de la L2 en interaction en classe de langue ou en situation exolingue pour étudier « la manière dont l’apprenant construit son propre modèle de la langue cible (LC) et l’utilise pour répondre à ses besoins » (Py, 1994 : 42-43). Nous nous pencherons sur l’étude de la co-construction et de la négociation du sens en français L2/L3 à travers des séquences interactionnelles en montrant la complexité des séquences dites « potentiellement acquisitionnelles » (De Pietro, Matthey et Py, 1989).