L’objet de cet article est de problématiser les implications politiques inscrites dans la conceptualisation universitaire de la transmédialité. Dès la publication des premières recherches de Jenkins (2013), les travaux universitaires consacrés à la transmédialité ont été le support d’une attitude intellectuelle militante (celle des aca-fans), qui rompt avec la « neutralité axiologique » dont se réclamait, il n’y a pas encore si longtemps, la communauté universitaire. Cette interprétation politique de la transmédialité prend le plus souvent appui sur l’observation des modalités de plus en plus politiques par lesquelles les fans s’approprient le contenu d’une fiction transmédiatique. Au lieu de se limiter à interpréter le contenu de leurs fictions préférées, les fans se mobilisent, dans la réalité, pour les mêmes causes sociales qui motivent, dans la fiction, l’engagement de leurs personnages favoris. Ainsi Wonder Woman est, par exemple, devenue, aux États-Unis, l’égérie du féminisme, Superman, le porte-drapeau des droits des immigrés et Joker, le nouveau héraut d’une contestation urbaine violente et désabusée. Que penser de l’engagement politique des fans ? Que penser des universitaires qui reconnaissent dans le fan-activisme l’expression d’une forme de sociabilité révolutionnaire ainsi que la préfiguration d’un ordre politique d’avenir ? Faut-il vraiment y voir les prémices d’une nouvelle ère politique d’émancipation placée sous l’égide de la technologie numérique ? Ou faut-il plutôt y voir le symbole du défaitisme de nos démocraties tardives, condamnant les citoyens à compenser leur impuissance politique par le mirage d’un militantisme onirique et puéril ?