Dynastie quasi-millénaire, la maison de Savoie a marqué l’histoire politique de l’Europe par sa longévité exceptionnelle, son rôle passé dans la géopolitique européenne et, surtout, son incroyable ascension, de comte d’Empire à duc souverain puis à roi. Paradoxalement, elle semble incapable de passer à la postérité – alors que c’est sans doute là son but ultime – tant elle reste méconnue du grand public comme du monde des chercheurs. Comment expliquer cette difficulté à subsister dans les mémoires ? À l’appui de diverses sources (historiographies, mémoires, correspondances diplomatiques, gazettes…), ainsi que d’une riche littérature de vulgarisation et scientifique, je compte revenir sur certaines personnalités marquantes pour une montée en généralité. Après avoir identifié les mécanismes mis en œuvre par la dynastie pour passer à la postérité (mise en récit d’une ascendance mythologique, faits d’armes, coups diplomatiques, alliances matrimoniales prestigieuses…), je propose une analyse de la (dé)construction des discours politiques dans le temps long : de petit poucet aspirant à exister dans la Société des Princes, les Savoie deviennent au XIXe siècle les pères fondateurs de l’Italie à travers tout un roman national avant d’être victimes, à partir de 1946, d’une damnatio memoriae en raison de leur compromission avec le fascisme. Ceci ne doit pas cacher un intérêt actuel pour la saga familiale dont l’emprunte perdure à travers divers noms de rue et monuments.