Le matériel agricole dédié à l’application des pesticides est un des déterminants à l’origine des situations d’exposition à ces produits en milieu agricole. Ces situations d’exposition ainsi que les difficultés rencontrées par les agriculteurs à l’utilisation de leur pulvérisateur permettent d’avancer l’existence d’une insuffisance de prise en compte de leurs besoins réels dans les processus de conception. À ce niveau, l’attention peut également être portée sur la réglementation applicable à la conception de ce type de matériel et sur sa capacité à tenir compte des conditions réelles de travail des agriculteurs. Les analyses menées dans le cadre de notre travail de recherche (thèse en ergonomie, 2018-2021) auprès des agriculteurs, des concepteurs de pulvérisateurs et des acteurs en charge de l’élaboration de la réglementation sont à l’origine de différents résultats. Concernant les agriculteurs, les analyses ergonomiques menées dans des exploitations ont mis en évidence que les situations d’exposition aux pesticides étaient la conséquence de nombreuses difficultés d’usage rencontrées par les agriculteurs lors de l’utilisation de leur pulvérisateur. Ces difficultés soulignent des écueils de conception qui se traduisent au regard de l’emplacement des organes (commandes, filtres, cuve, etc.) et de leur conception. L’analyse de l’activité des concepteurs de pulvérisateurs a révélé que le processus de conception se concentre principalement sur la technique. Les usages, les besoins réels des agriculteurs et les risques de contamination ne font pas l’objet d’analyses spécifiques entraînant à terme les difficultés susmentionnées. Concernant l’usage des différentes sources réglementaires, les concepteurs rencontrent des difficultés tant dans leur assimilation que dans leur application. Alors que ces réglementations pourraient être une aide à la conception, elles sont davantage considérées comme un moyen de se protéger en cas de litiges. La faible prise en compte des besoins réels des agriculteurs dans le processus de conception s’avère d’autant plus problématique que les réglementations utilisées prennent aussi très faiblement en compte ces besoins et les risques de contamination. À ce niveau, une autre difficulté apparaît. En effet, même si les fabricants occupent une place importante dans la normalisation, la mise en balance des intérêts économiques et des intérêts visant à protéger la santé humaine n’est pas toujours assurée. Et ce d’autant plus lorsque la procédure de mise sur le marché des pulvérisateurs repose sur de l’autocertification dans un contexte où la surveillance du marché est insuffisante. Au regard de ces résultats, ce travail de recherche ouvre des perspectives importantes tant sur l’importance d’agir en conception, mais aussi au niveau de la réglementation afin d’adapter la conception des pulvérisateurs à la complexité des situations réelles de travail. Et ce, d’autant plus dans un contexte d’agriculture de précision où il convient de s’interroger sur le rôle que peuvent jouer les nouvelles technologies dans la prévention de ces expositions.