Jeunesses populaires en ligne : que publient les jeunes sur leurs stories de Snapchat ? - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2023

Jeunesses populaires en ligne : que publient les jeunes sur leurs stories de Snapchat ?

Résumé

Dans le champ des études sur les usages numériques, les individus des classes populaires ont longtemps été les « oubliés de la recherche » (Pasquier, 2018). Considérés comme n’ayant pas les moyens de se payer des outils numériques, ils étaient vus à priori comme des « non-utilisateurs ». La massification de ces outils les a conduit à rattraper leur retard en termes d’accès et d’usage par rapport aux individus des classes plus aisées (Boullier, 2019). Ce rattrapage n’efface pas néanmoins des inégalités qui connaissent de nouvelles manifestations dans les espaces virtuels : l’accès aux outils, aux espaces numérisés et le recours à des pratiques numériques ne garantit en effet pas le succès considéré à l’aune des différentes formes de réussite sociale (scolaire, financière, personnelle, professionnelle, etc. (Granjon, 2022). En revanche, l’important focus mis sur l’étude de ces nouvelles inégalités dans diverses recherches contemporaines a pour conséquence d’éloigner du débat scientifique celles qui mettent en avant les réussites dans les usages numériques chez les individus de classe populaire, en particulier leur agency numérique (Proulx, 2015 ; Pasquier, 2018 ; Jouët, 2022). Dans ce contexte, la consommation numérique des jeunes des classes populaires à fait resurgir des « peurs refoulées », que nous appelons « paniques numériques », sur leurs usages, prétendument dangereux, naïfs, peu critiques voire peu scolaires. La jeunesse populaire serait ainsi aujourd’hui en péril dans l’espace numérique où leur utilisation excessive, notamment des réseaux sociaux numériques, renforcerait les inégalités qu’ils rencontrent dans la vie physique. Guidés par une épistémologie des manquements, ces discours scientifiques ou pas d’ailleurs pointent le contenu de certaines publications ou des posts, communément appelés les stories1 comme la preuve de cette dépravation. Le caractère péremptoire de ces arguments nous a conduit à s’intéresser plus en profondeur sur le quotidien numérique de ces jeunes et à nous poser la question suivante : que publient-ils sur leurs stories ? Cette proposition questionne l’idée d’une jeunesse populaire qui serait en danger ou dangereuse sur le net, naïve et incontrôlée. Pour ce faire, nous proposons d’analyser les stories d’une quarantaine de jeunes issus des quartiers populaires urbains et leur rapport aux 1 La story permet aux utilisateurs de publier, éventuellement avec une vidéo ou une photo, des moments de leur vie ou leurs sentiments, et de connaître parallèlement celles des autres. publications dans l’une des applications les plus répandues : Snapchat. Les données utilisées s’appuient sur un travail de thèse (2019 – 2023) qui porte sur les usages numériques des jeunes habitants dans un territoire sensible en Île de France. S’il y a bien « quelque chose » (Fluckiger, 2007 : 33) qui se joue en termes de classe sociale, nombreuses sont les études qui montrent que les jeunesses populaires contemporaines s’inscrivent dans plusieurs lieux de socialisation qui dépassent les périmètres circonscrits (l’école du quartier, le quartier lui-même, l’usine, les espaces publics du territoire, etc.) (Guérandel et Marlière, 2017) : des usages numériques non-conventionnelles émergent rebattant donc les cartes des comportements de classe stéréotypés et misérabilistes (Grignon et Passeron, 2015). La méthodologie s’organise en trois phases qui articulent des entretiens semi-directs et ouverts avec une démarche d’ethnographie virtuelle. Nous avons rencontré les jeunes de cette enquête par le biais des différentes associations de prévention spécialisée du territoire en question, dans un contexte d’accompagnement éducatif. Dans une première phase, nous avons interviewés vingt-sept jeunes et avons mené des entretiens semi-directifs autour de leurs usages numériques dans les lieux associatifs. Dans la seconde et la troisième, les rencontres étaient plus ouvertes, et nous avons entrepris une démarche ethnographique virtuelle. A ce titre, dans le cadre du travail de rue, nous avons rencontré quatre groupes de jeunes à plusieurs reprises et avons eu des moments d’échange plus sporadiques avec une vingtaine d’autres. Certains d’entre eux nous ont donné leur accord pour les suivre sur leurs stories. Nous avons fait le constat général que loin de publications démesurées, irresponsables ou peu critiques, la réalité virtuelle des « jeunesses populaires en ligne » est bien plus complexe. Leurs stories respectent une organisation stratégique en matière de mise en scène de soi et de valorisation de son capital socio-culturel. Nous avons identifié cinq types de stories : la story capital social, la story capital culturel-économique, la story égocentrique, la story amoureuse et la story événementielle. Nous proposons pour cette communication de les détailler.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04201201 , version 1 (09-09-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04201201 , version 1

Citer

Rosa Maria Bortolotti. Jeunesses populaires en ligne : que publient les jeunes sur leurs stories de Snapchat ?. 10ème congrès de l'Association Française de Sociologie. Intersections, circulations., Jul 2023, Lyon, France. ⟨hal-04201201⟩
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