L'intervention archéologique réalisée dans le cadre de la réfection du centre historique du bourg de Tourdan a permis d’enrichir nos connaissances sur l’histoire de cette partie de la commune de Revel-Tourdan. Bien que la parcelle explorée fut limitée en surface et morcelée en plusieurs fenêtres, sa fouille a livré une série de vestiges qui se rapportent à plusieurs périodes, depuis la fin de l’âge du Fer jusqu’à une période assez récente. Ces données ont permis dans un premier temps de compléter la documentation concernant l’habitat protohistorique et antique de l’agglomération de Turedonnum, connue par la Table de Peutinger et la Cosmographie de l’Anonyme de Ravenne. Situé au cœur de la plaine de la Valloire (Bas-Dauphiné), à une vingtaine de kilomètres au sud de Vienne, le site est déjà connu au XIXe s., principalement suite à la découverte d’un trésor de monnaies gauloises et d’un vase en argent gallo-romain. Les nombreux travaux effectués par différents chercheurs, en particulier N. Drouvot et surtout G. Varennes, ont permis d’enrichir la documentation sur le sujet. Les données de la fouille ont par ailleurs servi à connaître un peu mieux les modalités de l’occupation médiévale de Tourdan, qui à cette période a accueilli un prieuré ayant par la suite cristallisé le peuplement dans le hameau. Une occupation de la fin de l’âge du Fer toujours aussi mal définie La première grande phase d’occupation date de la fin de l’âge du Fer, plus précisément entre la fin du II e s. av. J.-C. et le changement d’ère. Malgré l’absence de vestiges structurants ainsi que la taille assez réduite de certaines fenêtres, l’abondance du mobilier céramique et les données stratigraphiques permettent d’appréhender plusieurs séquences extrêmement bien calées dans le temps. Pour la plupart, ces séquences se résument à une série de fosses de dimensions variables et comblées par du mobilier relativement abondant : céramiques fines et communes de tradition indigène, amphores vinaires italiques, vases de stockage, faune (présence de la triade domestique), restes de construction (tuiles), etc. Quelques structures annexes sont également présentes (trous de poteau, fossé, foyers, etc) mais elles restent assez anecdotiques. Toutefois, elles indiquent peut-être l’existence d’un bâti corroboré par la présence de tuiles dont certaines sont manifestement surcuites, ce qui attesterait une production locale de ce type de matériau. En définitive, les modalités de cette première phase d’occupation demeurent assez floues en raison de l’absence récurrente d’éléments structurants et de véritables aménagements. De plus, l’exiguïté de certaines fenêtres et les destructions causées par les nombreux aménagements postérieurs n’ont pas aidé à appréhender la nature exacte des différentes occupations de cette période. Concernant le mobilier, si la céramique, se rapportant véritablement à la fin de la période gauloise, est bien datée grâce à des quantités importantes de matériel, elle ne permet pas d’avancer sur la question de l’interprétation ou de la fonction de ces multiples creusements et aménagements. Les faciès mis en évidence se rapportent à un contexte de consommation classique dominé par les vases dévolus à la cuisson des aliments et à la vaisselle de table ou de service. Les importations sont bien représentées mais se limitent le plus souvent à des amphores à vin de la côte tyrrhénienne de l’Italie. Il en va de même pour la faune, qui reflète uniquement la consommation carnée classique de la fin de l’âge du Fer. Quant aux autres types de mobilier, force est de souligner leur rareté, notamment en ce qui concerne l’instrumentum. Malgré la ténuité, les résultats acquis pour la période gauloise viennent néanmoins enrichir les données récoltées sur la terrasse de Tourdan depuis maintenant plus d’un siècle. Les premiers vestiges datés des IIe et Ier s. av. J.-C. n’ont été reconnus, avec certitude, qu’à l’occasion des recherches menées par G. Varennes. Hormis la découverte de mobilier de cette période, un grand enclos fossoyé, interprété comme un lieu de culte, a été détecté à l’est du hameau grâce aux photographies aériennes et aux prospections géophysiques. Dans le quartier de Champ-Martin, situé à l’ouest de Tourdan, une occupation de cette période a également été détectée. Malgré les efforts réalisés par les différents chercheurs, et en particulier G. Varennes, la nature de l’occupation demeure difficile à identifier sur la base des seules structures reconnues. Certaines peuvent être reliées, à titre d’hypothèse, à la sphère domestique (vestiges de poteau, fosses dépotoir) alors que d’autres résistent encore à une identification satisfaisante (enclos d’habitat, enclos cultuel ?). Certains objets pourraient témoigner de la présence d’une population privilégiée sur ce territoire allobroge. Mise en place d’un habitat de qualité au Haut-Empire Malgré les nombreuses destructions causées par les aménagements ultérieurs, une série de structures maçonnées datées du Haut-Empire, relativement bien conservées, s’installent sur les vestiges protohistoriques. Il s’agit d’un ensemble de murs associés parfois à des sols en béton de type terrazzo dont la lecture permet d’appréhender le plan d’un habitat qui se développe sur l’ensemble du site. Si plusieurs espaces ont été dénombrés, leur fonction et leurs dimensions restent le plus souvent indéterminées. De toute évidence, ces structures trahissent la présence d’un habitat de qualité, corroboré par la découverte dans les niveaux postérieurs d’éléments de construction et de décoration notables. Des éléments de voirie ont été observés au sud-est et sud-ouest du site mais les portions découvertes restent trop petites pour connaître précisément leurs caractéristiques morphologiques et leur orientation. La mise en place de ce bâti est assez mal datée même si le Ier s. ap. J.-C. est suspecté. En revanche, il semble être abandonné dans le courant du IIIe s. En définitive, la nature des vestiges atteste l’existence d’un habitat de qualité qui peut se rattacher soit à un établissement rural de type villa, soit à une grande domus appartenant à l’agglomération secondaire suspectée dans ce secteur de Tourdan. En effet, les recherches réalisées sur la commune de Revel-Tourdan permettent d’envisager la présence d’une probable agglomération du Haut-Empire se développant sur une superficie de quarante à cinquante hectares au maximum, englobant les pôles de Tourdan et de Champ-Martin. Pour ce qui concerne l’habitat, force est de souligner le caractère morcelé et parfois lacunaire de la documentation. Toutefois, au moins trois ensembles monumentaux, probablement à vocation cultuelle, sont susceptibles d’exister respectivement dans le secteur de Champ-Martin (temple), dans le hameau (objets cultuels découverts) et le dernier à l’est du bourg (fana). Pour le reste, les différentes fouilles archéologiques ainsi que les nombreuses prospections pédestres permettent d’attester l’existence de bâtis autour de ces lieux de culte. L’évolution du site durant l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge Des indices ténus d’une occupation sont attestés sur le site durant l’Antiquité tardive, plus précisément pour le Ve s., au travers de structures en creux et de mobilier. Généralement ces structures se révèlent assez fugaces, en particulier en milieu rural. Elles appartiennent le plus souvent à un habitat fruste, qui laisse des traces moins visibles que celles des occupations antérieures. Cette période avait déjà été documentée dans le hameau de Tourdan grâce aux prospections pédestres, qui ont livré des collections de céramiques tardo-antiques. Un ensemble de murs datés entre la fin de l’Antiquité et la fin du haut Moyen Âge témoigne de l’existence d’un bâti localisé autour des bâtiments du futur prieuré. Malheureusement, l’absence de liens stratigraphiques entre les différentes portions et la taille des emprises de fouille ne permettent pas d’appréhender un plan. D’autant plus que ces maçonneries présentent plusieurs états de construction. Toutefois, ces nouvelles structures, qui dénotent par leur qualité, obéissent à une nouvelle trame. Par conséquent, un ensemble architectural se développe dans cette partie du hameau de Tourdan qui pourrait être un édifice de culte chrétien pour deux raisons. La première est la découverte ancienne d’inscriptions funéraires du VIe s. dans ce secteur ainsi que celle du fragment retrouvé lors la fouille qui est également daté de ce siècle. Quant à la seconde, elle est en lien avec la présence de tombes dans une parcelle proche, dont l’orientation et la typologie orienteraient la datation vers l’Antiquité tardive ou plus vraisemblablement le haut Moyen Âge. Cette période est également bien documentée sur le site de Champ-Martin, où un ensemble funéraire de cette période fut mis en évidence. La présence d’une église paléochrétienne construite au sud de l’ancien temple romain y est par ailleurs suspectée. En définitive, entre le Ve et la fin de la période carolingienne, deux sites funéraires ont certainement coexisté à Tourdan. La mise en place d’un cimetière paroissial autour de l’An Mil La fouille a mis en évidence, en particulier dans la partie nord du site, la présence d’un ensemble funéraire daté entre la fin du Xe et la fin du XIIe s. Les fenêtres explorées ont permis de mettre au jour 86 sépultures à inhumation. Au total, 50 ont été fouillées, sept sont des sépultures avérées non fouillées (présence d’os humains en position primaire) et 29 sont des sépultures supposées non fouillées. La population inhumée comprend des hommes, des femmes, des sujets biologiquement immatures et des individus décédés en période périnatale. Aucune sélection en fonction de ces critères biologiques n’est tangible. Cet éclectisme témoigne en faveur d’une population séculière. Sur l’échantillon en présence, les individus biologiquement adultes de moins de 30 ans et ceux de 50 ans et plus sont proportionnellement les plus nombreux. Pour les sujets biologiquement immatures, la majorité sont décédés avant 10 ans, ce qui est relativement fréquent dans les populations pré-jénériennes où la mortalité infantile avant 7 ans est forte. L’état sanitaire sur ce petit échantillon ne témoigne pas de traits spécifiques. Le profil biologique de la population inhumée dans cet espace funéraire correspond à celui d’une population paroissiale non guerrière. L’utilisation d’un contenant est quasiment permanent. Les dépôts funéraires, au nombre de quatre, correspondent uniquement à des dépôts uniques de cruches à bec ponté ou pincé. Elles sont le plus souvent placées en dehors du contenant funéraire. Leur fonction funéraire (dépôt d’encens, d’eau bénite, etc) reste indéterminée. La plupart des corps sont inhumés dans des enveloppes souples de type vêtements et chaussures. Aucun mobilier de parure ou de vêture n’a été retrouvé en position portée. Les pratiques funéraires observées dans cet ensemble répondent aux conventions préconisées et classiques dans les cimetières chrétiens. Les légères variations témoignent davantage d’adaptations pragmatiques et, parfois, d’attentions d’ordre individuel somme toute modestes. L’ensemble funéraire semble s’organiser en rangées irrégulières orientées nord/sud. La densité de l’occupation funéraire semble davantage influencée par ce critère « familial » que par un édifice polarisant. L’extension totale de ce cimetière n’a pu être observée. In fine, il n’est pas exclu qu’il ait été beaucoup plus vaste, que son origine soit plus ancienne et qu’il ait connu différents pôles chronologiques de développement. Les épitaphes du VIe s. témoignent d’une tradition funéraire ancienne localisée à l’origine dans l’emprise du prieuré. L’adjonction d’un édifice religieux, men