Parmi les personnes frappées par l’épidémie actuelle de Covid-19, les plus âgés de nos concitoyens ont été les plus durement touchés, et ce plus particulièrement dans les EHPAD. Les mesures de confinement prises pour assurer la sécurité des résidents soulèvent de nombreuses questions. En premier lieu, cela interroge fortement la possibilité de prendre en compte l’ensemble des besoins des personnes âgées accueillies par les équipes soignantes, pour des personnes se trouvant dans les dernières années, voire les derniers mois de leur existence. Les protocoles sanitaires ont pris le pas sur la vie sociale au sein des établissements, les animations et sorties ont été supprimées, les visites interdites, générant un accroissement de la souffrance psychique des résidents, de leurs proches, ainsi que des soignants. En plein cœur de la crise, les personnels de ces établissements médico-sociaux ont tenté d’adapter leurs pratiques, pour répondre notamment aux besoins de socialisation des résidents, avec l’appui des instances territoriales. Le Conseil Départemental du Bas-Rhin a distribué 300 tablettes numériques, afin de permettre une « socialisation à distance » pour les résidents. Ce type d’initiative, prise dans l’urgence, nécessite d’analyser les effets de ces solutions numériques, en vue de leur pérennisation, dans une optique d’innovation managériale, organisationnelle, sociale et technologique au service d’un « mieux vivre » et d’un « bien vieillir », jusqu’au terme de l’existence. Nous relevons plusieurs points saillants, à partir d’entretiens menés avec des directeurs et directrices, ainsi que de la lecture d’articles de presse, qu’il importe d’interroger. La question de l’utilisabilité des outils numériques par les personnes âgées, atteintes de troubles psychiques, cognitifs et d’incapacités physiques nous semble primordiale. Les effets de la socialisation à distance, en termes de participation sociale des personnes âgées et d’impacts sur leur santé et bien/être physique et psychique nous semble également centrale. Cela soulève aussi des questions en termes de compétences et de besoins de formation des soignants, tant à l’usage des outils en soi qu’à l’accompagnement des résidents, en tenant compte de leurs capacités et de leurs incapacités (physiques, psychiques et/ou cognitives). In fine, cela interroge quant à la nécessité de repenser les pratiques managériales au sein des établissements, l’intégration de ces outils impactant les pratiques d’accompagnement à la vie sociale ainsi que celles de soins. Aussi, la problématique collective que nous soulevons et qui guidera nos investigations est la suivante : Qu’est-ce que le rapport des individus (personnes âgées, proches, professionnels), des groupes, des organisations et des institutions, à l’usage des outils numériques déployés dans le cadre des mesures de distanciation sociale liées à l’épidémie de Covid-19, nous permet de comprendre des effets désorganisateurs et réorganisateurs sur les pratiques d’accompagnement et de soins en EHPAD ? Quels ont été les impacts du recours aux outils numériques sur le lien social (entre résidents, entre les résidents et leurs familles, entre les résidents et les soignants, entre soignants) ? Grâce à l’approche systémique que nous proposons, nous objectiverons les conditions psychiques, sociales, managériales, de santé, de compétences, etc. qui influencent l’usage de ces dispositifs numériques, afin d’identifier les configurations favorables au soutien et au développement du lien social des résidents. Nous formaliserons également les apprentissages, tant organisationnels qu’individuels, induits par la gestion de la crise et de l’après-crise, susceptibles d’améliorer la résilience du système de gestion de la « dépendance », à l’échelle du territoire.