Dans ce chapitre, nous nous intéressons aux impacts des pratiques militaires sur les paysages, plus généralement aux traces laissées par la guerre : sont-elles toujours visibles ? Certains auteurs défendaient en effet la thèse de l’irréversibilité des dégâts dus aux épandages d’herbicides. Mais ces traces n’ont-elles pas, pour certaines du moins, disparu ? En l’occurrence, ont-elles été camouflées, gommées ? Ou, à l’inverse, existe-t-il une volonté de les faire ressurgir ? Les recherches se fondent sur des données d’archives, des données iconographiques (images satellites, photographies aériennes), des relevés de terrain et des entretiens semi-directifs conduits auprès de villageois. Tout conflit engendre des perturbations sur les milieux, laissant des traces visibles dans les paysages. Dans le cas de la guerre du Việt Nam, on atteint un paroxysme : l’environnement est pris directement pour cible et le programme de défoliation en constitue le volet majeur. Les traces laissées par la guerre sont réelles : les pratiques militaires participent du recul de la forêt – mais on ne peut en voir une cause exclusive, ni même majeure – et elles sont aussi à l’origine de l’apparition de cratères, de routes et autres infrastructures. Ces traces ont en grande partie été effacées par les pratiques civiles d’après-guerre, volontairement ou non, surtout guidées par les besoins du moment. Pourtant, des empreintes demeurent, directement ou indirectement. Aujourd’hui, la dynamique d’effacement se poursuit, avec l’essor des plantations forestières, qui permettent de restaurer le couvert forestier, mais sur les zones affectées par la guerre comme sur celles épargnées. Surtout, avec la volonté de promouvoir le tourisme dans la région, les traces sont désormais ravivées et même mises en exergue : un désir de patrimonialisation émerge. Cette dynamique risque de se heurter toutefois à la disparition de la plupart des traces. La solution est, dans ce cas, la suggestion, en mettant en avant d’autres éléments.