Individu, communauté et société dans The Buddha of Suburbia de Hanif Kureishi - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue La Revue de l'université catholique de Lyon Année : 2008

Individu, communauté et société dans The Buddha of Suburbia de Hanif Kureishi

Résumé

L'œuvre majeure de Hanif Kureishi, "Le Buddha de banlieue" (1990), introduit la notion de l'individu comme l'une de ses figures centrales. Piégé entre deux formes de socialisation, l'une moderne et occidentale, et l'autre communautaire et orientale, l'individu dans l'univers de Kureishi développe une configuration de soi construite à la fois sur l'assimilation involontaire des références de la société occidentale et la répudiation sélective des repères de sa communauté orientale. Les personnages principaux, Karim et Jamila, se trouvent confrontés à la dualité de devoir témoigner de leur loyauté envers la société britannique tout en restant sincèrement engagés envers leur communauté indienne. Ces engagements sont perçus comme des contraintes qui génèrent des situations où le modèle identitaire et existentiel se trouve bouleversé. Les liens communautaires assurent à Karim et Jamila une chaîne biologique et une filiation essentielle, mais imposent également des règles et un cadre dont les finalités ne sont pas toujours bien perçues par les personnages. En contraste, la société britannique moderne valorise l'individu et affaiblit ces liens communautaires. Cependant, cet affaiblissement des liens sociaux pousse l'individu à prendre en charge lui-même un nombre important de responsabilités, ce qui engendre de nouveaux soucis existentiels. Confrontés à l'incertain, aux décisions personnelles, aux choix de vie et engagements, les personnages sont déstabilisés, déroutés et souffrent (Alain Ehrenberg, "La Fatigue d'être soi"). "L Le Buddha de Banlieue" exprime ainsi la tension entre deux types de socialisations, résultant en des individus divisés intérieurement et souffrants. La souffrance chez Kureishi se traduit par une quête de soi, un désir d'errer, de voir d'autres choses et d'autres lieux. Le déplacement dans l'espace est un concept essentiel dans l'œuvre de Kureishi, comme l'exprime dès l'ouverture du texte Karim : « Perhaps it is the odd mixture of continents and blood, of here and there, of belonging and not, that makes me restless and easily bored ». Le déplacement permet aux personnages de se dépasser, d'éviter l'effondrement, et de maintenir un état de survie. Le phénomène de déplacement dans l’œuvre de Kureishi n'affecte pas seulement le personnage-narrateur, Karim, mais tous les autres personnages sont impliqués d'une manière ou d'une autre dans une situation de changement et de mouvement. Dans le cas de Jamila, qui sera le premier personnage sur lequel porte mon analyse dans une partie intitulée "Le déplacement comme révolte", le déplacement ne se manifeste pas nécessairement par une traversée physique des limites géographiques, mais plutôt par une rencontre avec l'autre part d'elle-même à travers le déplacement d'un schéma familial qui se découpe du réel occidental. Cette renaissance à soi-même entraîne un nouveau repositionnement sur la scène sociale, rompant définitivement avec le mode de vie centré sur la passivité de l'époque. Le personnage-narrateur, Karim Amir, quant à lui, ne cesse d'aller d'un lieu à un autre, d'une rencontre à une autre, à la recherche d'une autre réalité à laquelle il pourrait s'identifier. Cette poursuite de l'Ailleurs ou de l'autre part de lui-même génère dès le départ un sentiment d'errance, comme le révèle Karim dès les premières phrases du roman : « I was looking for trouble, any kind of movement, action and sexual interest I could find ». Outre les déplacements physiques, Karim vit une rupture entre son identité objective et son sentiment identitaire. Si on lit de près ses premières phrases de présentation, nous remarquons chez Karim une difficulté à s'approprier les composantes objectives de son identité, développant ainsi un sentiment identitaire en accord avec son identité objective. Cette rupture entre les deux logiques agit comme « la condition nomade essentielle, étant toujours un mouvement vers l'avant, une jonction, un 'tendre vers' (…) une absence de repos, toujours un devenir, une ‘ligne-de-fuite » (Hédi Abdeljouad, Fugues de Barbarie. Les écrivains maghrébins et le Surréalisme) Le personnage de Karim donc sera au centre de ma deuxième partie intitulée. Cette réflexion sur la question du déplacement dans le roman de Kureishi sera plus complète si l'on entreprend, à partir d'un itinéraire de lecture du roman, d'explorer le rapport déterminant et réciproque qui existe entre ces corps en mouvement, en quête de sens, et l'acte d'écriture. En effet, l'écriture de Kureishi doit être lue comme une création en mouvement, une source où l'être se réinvente à chaque fois une nouvelle identité. Dans le cas de Karim, tout comme celui de Jamila, la quête de l'Ailleurs, que ce soit un lieu perdu ou l'autre part de soi-même, se manifeste, dans l'écriture de Kureishi, à travers une stratégie narrative marquée par l'ironie qui déconstruit tout au long du texte les situations susceptibles d'incarner cet Ailleurs tant désiré.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04173372 , version 1 (28-07-2023)

Licence

Domaine public

Identifiants

  • HAL Id : hal-04173372 , version 1

Citer

Ali Mostfa. Individu, communauté et société dans The Buddha of Suburbia de Hanif Kureishi. La Revue de l'université catholique de Lyon, 2008, 14, pp.60-68. ⟨hal-04173372⟩
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