La naissance est un événement biologique qui impute aux femmes une supériorité originelle au détriment des hommes, parce qu'elle est essentielle à la reproduction de l'espèce humaine. Contrairement à la naissance chez les autres animaux, l'accouchement humain est un phénomène qui a été dénaturé parce qu'on lui a attribué, par des actions et des gestes rituels, une dimension socioculturelle, relationnelle, symbolique, religieuse, magique... La culturalisation de la naissance est corrélative de la dénaturation de l'Homme, dénaturation qui a permis à celui-ci de s'évader de la prison de la nature. Dans les communautés rurales, dans les aires périurbaines et dans les milieux sous-urbanisés d'Haïti, la naissance a toujours été une affaire de femmes, comme l'attestent les enquêtes que nous avons menées à Arnoux en 2007 et à Jean Rabel en 2012. Les sages-femmes traditionnelles (matrones) ont joué, dans toutes les sociétés, un rôle de premier plan dans le processus de culturalisation de l'enfantement. Non encore médicalisée et technicisée stricto sensu (la médicalisation et la technicisation de l'accouchement sont des formes de culturalisation) dans l'importante majorité des communautés rurales haïtiennes, la prise en charge de la naissance d'un enfant et d'une parturiente par une