Cette communication s’intéresse à l’extension depuis le décret de 2018 du mandat des professeurs principaux (PP ci-après) en matière d’information et d’orientation des lycéens ainsi qu’à sa mise en œuvre au sein de quatre établissements d’Ile-de-France. L’élargissement des missions d’orientation des PP en 2018 s’inscrit dans le sillage d’un processus de « scolarisation de l’orientation » (Danvers, 1988 ; Lehner et Pin, 2020) dont l’une des traductions est la reconnaissance progressive aux PP depuis la circulaire de 1993 d’une mission d’aide aux élèves pour élaborer leur projet de formation et d’insertion professionnelle. Le tournant que représente le texte de 2018 réside dans la mention explicite d’une « responsabilité spécifique » des PP au niveau du lycée (toutes sections confondues) et d’un renforcement de leur rôle d’accompagnement (diffusion d’informations sur les filières, sur les attendus de formations, sur ceux du monde du travail, la formalisation de ses compétences par les élèves). Faisant partie jusqu’alors du champ de compétences des conseillers d’orientation-psychologue (PsyEN depuis 2017), ces missions sont transférées aux PP sans qu’elles aient été revendiquées par les intéressés et sans qu’elles se réfèrent à un ensemble de savoirs et de compétences dont seraient porteurs les PP. Or, selon Bonnéry (2021, p.65), le processus de scolarisation s’accomplit lorsque le but éducatif est explicite, s’appuie sur des savoirs objectivés et un programme d’études. Si l’accompagnement à l’orientation vise à favoriser l’élaboration par chaque élève d’un projet d’orientation mais aussi l’acquisition des compétences nécessaires à son engagement constitutif de sa liberté de choix, le paradoxe pointé supra interroge non seulement l’effectivité et les modalités de l’accompagnement fournit par les PP et mais aussi l’idéal pédagogique de l’autonomie (Lahire, 2007) qu’il sous-tend. Comment se traduit concrètement cette responsabilité spécifique des PP en classe de terminale ? Selon quelles modalités les PP donnent-ils aux élèves l’information sur l’ESR, le monde professionnel ? Sur quels savoirs s’appuient-ils pour accompagner les élèves ? Ces questions ont guidé l’enquête menée dans quatre lycées d’Ile-de-France auprès d’une trentaine de professeurs principaux et d’une dizaine de personnels de direction. Nous montrerons que l’autonomie telle qu’elle est guidée et soutenue auprès des élèves de terminale ne se confond pas avec l’idée de liberté individuelle ou d’indépendance à l’égard des structures et des normes mais correspond davantage au développement d’un « sens du jeu », à l’épanouissement de dispositions à s’ajuster aux règles et normes qui régissent l’enseignement supérieur et le monde du travail (Bourdieu, 2015). Compte tenu des contraintes structurelles et organisationnelles qui pèsent sur ce mandat, nous verrons que les PP l’investissent différemment et insistent sur la mission de « sécurisation de parcours » ou de « coaching ».