La proximité, un concept qui semble toujours innovant, est pourtant (et a toujours été) l'un des principaux piliers de la vie humaine telle que nous la connaissons aujourd'hui. La proximité a guidé les migrations de l'espèce humaine et les choix de sa sédentarisation progressive. L'objectif a toujours été de s'installer à proximité de lieux permettant de satisfaire ses besoins. Ces besoins moyens ont évolué et se sont progressivement déplacés de la base de la pyramide de Maslow vers son sommet, notamment dans les pays développés. Cette recherche de proximité, associée aux besoins de survie, de sécurité, d'entraide, d'économie et de mise en commun des ressources et des compétences, est à l'origine des premiers embryons d'urbanisme, qui ont conduit aux formes urbaines que nous connaissons aujourd'hui. L'évolution progressive des besoins, des pratiques, des coutumes, des technologies et des cultures a contribué à la métamorphose du tissu urbain. En outre, les valeurs humaines ont profondément changé depuis la révolution industrielle et l'adoption quasi universelle des politiques capitalistes. La recherche de la vitesse, de l'efficacité (dans les déplacements et dans la production) et le développement d'une société hyper-consumériste ont largement contribué à l'étalement urbain et à l'allongement des distances parcourues. La mondialisation, le modèle du "tout voiture" et les politiques de zonage, malgré leurs avantages indéniables, ont contribué à éloigner, voire à séparer les équipements, les ressources, les lieux de production et les lieux de demande. Aujourd'hui, ce modèle, qui a joué un rôle majeur dans l'exploitation de l'environnement et de tous les êtres vivants, s'est épuisé et n'est plus soutenable. Il menace clairement l'avenir des espèces, en particulier de l'espèce humaine. Heureusement, la sonnette d'alarme est régulièrement tirée depuis plusieurs décennies par toutes sortes de spécialistes. Mais elle n'est pas systématiquement écoutée ou prise en compte à sa juste valeur. En particulier, la culture européenne change et les aspirations des citoyens européens convergent vers des valeurs communes, notamment en matière de mobilité : plus durable, plus sociale et plus axée sur le bien-être que sur la vitesse ou l'efficacité (REBALANCE 2022). La ville, quelle que soit sa taille, a donc un rôle clé à jouer. Ce rôle passe par la réduction de la consommation et des émissions au sens large. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles les experts de la pratique et de la recherche plaident en faveur d'une forme urbaine compacte et luttent contre l'étalement urbain et ses conséquences bien connues. La répartition spatiale des ressources et des différentes activités humaines est remise en question. La façon dont nous nous déplaçons est reconsidérée. Le principe de proximité est alors dépoussiéré, remis à l'ordre du jour et exprimé sous différentes formes et concepts théoriques nuancés tels que l'accessibilité (Conesa and L’Hostis 2010), le TOD (Calthorpe 1993), l’ergonomie spatiale (Saint-Gérand 2002; Saint-Gérand et al. 2021), l’ergonomie d’accès (Hached 2019; Hached 2020; Hached and Propeck-Zimmermann 2020), la cyclabilité, la marchabilité (Misery 2013). La ville à 15 minutes (Moreno et al. 2021), ou la ville ¼ heure n'est fondamentalement innovante que dans sa communication réussie. Une réussite dans la mesure où elle peut fédérer les villes et servir de slogan politique clair et compréhensible. Mais le mot clé est et a toujours été "proximité". Heureusement, la hiérarchie des transports et de la mobilité est en train de se rééquilibrer au profit des modes plus actifs et doux. La question de la proximité n'est pas la même pour un piéton que pour un automobiliste. Face aux crises actuelles, penser la proximité à travers les modes les plus doux ou du moins les plus propres (transports publics/modes partagés) semble s'imposer. Le retour à la proximité dans la ville fait appel à une combinaison de politiques urbaines, d'infrastructures, de réseaux... Les politiques urbaines peuvent repenser la distribution des ressources, densifier la ville, limiter l'étalement urbain, réduire l'hégémonie de la voiture... Les infrastructures peuvent permettre le développement de certains modes (transports publics) ou l'émergence de nouvelles pratiques (véhicules en libre-service) ou encore faciliter la combinaison de modes durables (pôles multimodaux, hubs de mobilité) (Hached and L’Hostis 2022)... Le développement de réseaux durables (piétonisation, pistes cyclables, zones 30, etc.) facilite les déplacements propres, sécurise les modes de transport les plus vulnérables et contribue à l'apaisement de la ville. C'est dans ce contexte que le projet ACUTE explore la proximité sous différentes formes, en particulier l'une des plus récentes et des plus populaires : la ville des 15 minutes. L'objectif est de créer un pôle de connaissances qui fasse le lien entre le monde de la recherche et celui de la pratique. D'une part, il analyse 15 projets ENUAC pour mieux comprendre la collaboration entre chercheurs et praticiens européens, et d'autre part, il organise des événements scientifiques européens ouverts aux praticiens. Bien que le projet soit encore en cours, nous pouvons déjà voir un panorama des différentes directions de recherche, d'application et d'évaluation, qui toutes interrogent la "proximité". On peut citer 5 axes : le premier questionne la définition de la proximité et de la ville à 15 minutes, le deuxième s'intéresse à la proximité pour un mode donné (vélo, voiture partagée...), le troisième à la planification urbaine par la proximité, le quatrième à l'inclusivité et le dernier à l'évaluation de la proximité. (ACUTE 2023). Quelle est la place de la proximité dans la recherche européenne actuelle ? Quelles sont les tendances ? Comment les praticiens mettent-ils la théorie en pratique ? Comment s'assurer que les objectifs de la proximité sont atteints ? Toutes ces questions sont au cœur de notre étude et du projet ACUTE. Références bibliographiques ACUTE (2023) ACUTE UERA Seminars | Zenodo. https://zenodo.org/communities/acute_uera_seminars/search?page=1&size=20. Accessed 18 May 2023 Calthorpe P (1993) The next American metropolis: ecology, community, and the American dream. Princeton Architectural Press, New York Conesa A, L’Hostis A (2010) Définir l’accessibilité intermodale. In: Dans A. Banos & TT (ed) Systèmes de Transport Urbain (Vol. IGAT. Hermès, p 24 Hached W (2019) Ergonomie d’accès aux ressources de la vie quotidienne en mobilité douce : application à l’Eurométropole de Strasbourg. Phdthesis, Université de Strasbourg Hached W (2020) Accès aux ressources du quotidien en modes doux à l’eurométropole de Strasbourg : une approche basée sur le concept d’ergonomie spatiale. Urbia Hors série 7:17–37 Hached W, L’Hostis A (2022) Mobility Hubs, a lever for more sustainable mobility? Université gustave eiffel ; LVMT Hached W, Propeck-Zimmermann E (2020) Mobilité douce et disparités socio-spatiales : évaluation de l’ergonomie d’accès aux ressources du quotidien. Territoire en mouvementRevue de Géographie et d’Aménagement. https://doi.org/10/gpdds7 Misery Y (2013) La «marchabilité», paramètre méconnu du milieu urbain. In: Lefigaro. https://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/05/24/20580-marchabilite-parametre-meconnu-milieu-urbain. Accessed 13 Apr 2022 Moreno C, Allam Z, Chabaud D, Gall C, Pratlong F (2021) Introducing the “15-Minute City”: Sustainability, Resilience and Place Identity in Future Post-Pandemic Cities. Smart Cities 4:93–111. https://doi.org/10.3390/smartcities4010006 REBALANCE (2022) Cultural and political manifesto, Making mobility meaningful to people. Journal of Mobility Cultures & Policies Issue 6 Saint-Gérand T (2002) S.I.G. : Structures conceptuelles pour l’analyse sapatiale, H.D.R. Université de Caen, Caen Saint-Gérand T, Propeck-Zimmermann É, Hached W, Liziard S, Medjkane M, Conesa A, Piombini A, KAHN R (2021) Mobilité durable et mobilisation des ressources : Une approche par l’ergonomie. In: Les faux-semblants de la mobilité durable. Éditions de la Sorbonne, p 288