En 9 de n. è., la Lex Papia Poppaea sanctionne le célibat et les citoyens romains, en particulier ceux de l’aristocratie, qui n’auraient pas d’enfant. S’il est difficile de mesurer les effets concrets de cette loi, la maternité, indirectement contrôlée, apparaît toutefois, dans la norme juridique, comme une qualité prescrite aux femmes de l’élite en âge de s’unir et de procréer. En revanche, aux IIIe et IVe siècles, les discours normatifs chrétiens se multiplient et récusent la nécessité de la maternité, encourageant plutôt les femmes à vouer leur vie au Christ. La maternité, autrefois socialement et culturellement imposée aux femmes en capacité d’enfanter, apparaît alors de plus en plus comme un choix et une situation refusée par certaines. Au regard des changements de représentations que connaît la maternité à l’époque impériale et de la rupture qu’elle induit dans la trajectoire de vie des femmes qui mettent au monde un enfant – passant d’épouses (uxores) à mères (matres) –, nous voulons interroger les conséquences de la maternité ou de la non-maternité dans la vie sociale des femmes romaines. Nous étudions donc leurs réseaux pour déterminer si ce changement de position sociale modifie leurs modes de sociabilité et la composition de leur entourage. Il s’agit de comprendre d’une part si le fait de devenir mère s’accompagne de pouvoirs symboliques ou concrets, et d’autre part quels rôles jouent ces pouvoirs dans la constitution ou la mobilisation d’un groupe de connaissances. Pour cerner d’éventuelles évolutions structurelles, liées notamment à la christianisation, dans les effets induits par la maternité, notre étude porte sur une période allant du Ier au début du Ve siècle. Nous étudierons trois cas concrets de femmes ayant vécu dans l’ensemble de l’empire romain et dont nous pouvons reconstituer le réseau à partir des récits d’historiens et des correspondances : Agrippine la Jeune, Julia Mamaea et Marcelle. Après avoir présenté la morphologie de leur réseau, nous verrons si le fait de devenir mère participe à la reconfiguration et à la recomposition de leur réseau. Nous étudierons ensuite plus précisément leur trajectoire de maternité ou de non-maternité et l'influence de leur vie de mère ou de non-mère sur la réorganisation de leur réseau.