Cette proposition de communication s’inscrit dans le contexte d’un projet de recherche franco-péruvien en cours consacré à l’étude des pratiques informationnelles (Chaudiron et Ihadjadene, 2010) des enseignants de l'école élémentaire et aux enjeux de formation des élèves à l’information. La littérature du domaine souligne la nécessité de former au plus tôt les élèves à l’information et pointe le rôle significatif de l’école dans cette éducation (Heider, 2009 ; Béguin-Verbrugge et Kovacs, 2011). Cette nécessité paraît d’autant plus cruciale en période de (post)pandémie, marquée par des contraintes « d’éducation à distance d’urgence » (Bozkurt et al., 2020), imposant de fait à tous la maîtrise des environnements informationnels pour enseigner et pour apprendre malgré les inégalités qu’elle a contribué à mettre en lumière voire à aggraver (Boudokhane-Lima et al., 2021 ; Goudeau et al., 2021).La littératie informationnelle a été promue depuis des décennies comme un levier d’émancipation individuelle et citoyenne à l’échelle mondiale. La France et le Pérou sont emblématiques de stratégies politiques différentes en la matière : l’une, française, est axée sur l’intégration de cette « éducation à » dans les référentiels scolaires ; l’autre, péruvienne, table sur le rôle éducatif des médias eux-mêmes et la réduction des inégalités d’accès entre zones géographiques. Si les politiques d’éducation aux médias et à l’information française et péruvienne diffèrent, elles se rejoignent cependant sur leur relative invisibilité dans la formation opérationnelle des enseignants (Mateus, 2018 ; Favel-Kapoian, 2020). A la lumière de ces différences contextuelles, nous faisons l’hypothèse que les enseignants construisent un rapport à l’information, dans, mais aussi hors de tout cadre institutionnel explicitement dédié à ces apprentissages. Ce sont les habitudes informationnelles au quotidien, dans la classe voire en dehors, que nous cherchons à décrire : par exemple à l’occasion de la préparation des séances, de l’utilisation de ressources documentaires en classe, d’activités de recherche d’information organisées pour les élèves, etc., qu’elles mobilisent des dispositifs numériques ou non. Ces pratiques enseignantes (potentiellement modifiées au gré des exigences sanitaires), les attitudes et les représentations qu’elles véhiculent au travers des comportements et des discours qui font le quotidien de la classe, doivent en effet être prises en compte pour comprendre le rapport à l’information des élèves eux-mêmes (Pascau et Lehmans, 2015 ; Pierrot et al., 2019). Nous mettons en œuvre une méthodologie qualitative : entretiens semi-directifs individuels préalables et d’explicitation avec des enseignants (11 au Pérou, 9 en France), entretiens collectifs avec des élèves et observations de classe (1 entretien élèves et 1 observation par enseignant concerné). Les participants à cette étude sont volontaires, ne sont pas impliqués dans des dispositifs d’expérimentation et sont issus de contextes géographiques variés (urbain, périurbain, rural). Les premiers résultats indiquent l’importance cruciale des pré requis matériels (équipements, connectivité) à la mise en œuvre d’usages informationnels (notamment numériques) en classe (plus prégnants au Pérou mais également déterminants en France) ; la place des ressources institutionnelles ou promues par l’institution (centrales au Pérou) dans les usages des enseignants interrogés ; la place des ressources non numériques utilisées par les enseignants dans les deux pays ; le rôle joué par les pairs (par l’interaction directe ou via les contenus partagés en ligne) mais aussi le temps et la charge de travail alloués à la sélection des ressources en amont, le manque de formation ressenti et la primauté des apprentissages disciplinaires sur les objectifs d’éducation à l’information en tant que tels.