La problématique de la mort, longtemps éludée, devient désormais l’objet de discours qui la thématisent et amènent différents acteurs sociétaux à l’aborder dans un positionnement plus ou moins réflexif. Dans un contexte d’augmentation de l’espérance de vie, laquelle s’associe à l’augmentation de pathologies lourdes, la maladie, dans les services hospitaliers mais aussi dans les familles encouragées à accompagner leur proche au domicile avec ou sans l’aide des institutions, prête, voire oblige, à (re)penser la mort. Des conférences citoyennes, des protocoles sanitaires ou encore expérimentaux, l’expression des dernières volontés, les reformes des études de santé sont autant de discours qui peuvent être configurés en données pour être analysés et mieux comprendre les représentations et les besoins qu’elles expriment, pour mieux appréhender le mourir des proches et de soi-même, si nécessaire avec l’aide et la compétence des équipes médicales et/ou expertes. Nous nous proposons d’aborder la problématique ainsi définie du point de vue de l’analyse du discours énonciative et outillée (textométrie) et de la sémantique discursive avec pour hypothèse que le contexte sanitaire et socio-politique, médical et citoyen entre par les changements mentionnés dans une réflexion, une approche critique du mourir susceptible de modifier l’appréhension du dénouement fatal, d’enrichir nos représentations. Par l’analyse des discours nous voulons mieux comprendre le sens du mourir et par cette meilleure connaissance fournir des pistes à l’élaboration de dispositifs de formation. Notre étude s’appuiera sur deux projets de recherches actuels dont l'objet amène à réfléchir aux problématiques de fin de vie. Nous explorerons comment à l’annonce d’un diagnostic médical, les acteurs contribuant à l’accompagnement du futur défunt construisent, gèrent, négocient la mort. Deux corpus seront étudiés : •Le premier corpus (SLAMOR) porte sur un recueil de 22 entretiens (dont 9 en service Oncologie, 8 en Neurologie, 2 en soin palliatif et 3 en psy ; ils se répartissent également entre IDE (10 entretiens), médecin (6 entretiens), un cadre (1 seul entretien) et assistante sociale (1 entretien). Ces professionnels ont accepté de répondre à un guide d'entretien visant à comprendre comment des soignants et les médecins abordent les questions et les enjeux autour du mourir, aussi bien pour eux-mêmes, entre collègues, mais aussi avec les patients et leurs proches. •Le second corpus (ACCMADIAL) porte sur 30 entretiens avec des aidants de malade d'Alzheimer dont le malade est décédé depuis au moins 6 mois. Le projet centre son dispositif expérimental sur la parole des aidants pour mieux comprendre leur expérience de l'aidance ; il permet ainsi d'identifier, en tant que réalité individuelle co-construite à partir du regard social, leurs forces et leurs faiblesses et d'intervenir sur cette nouvelle réalité socio-sanitaire pour notamment en améliorer le vécu. A travers des analyses qualitatives et quantitatives (grâce à une approche outillée avec Le Trameur, Iramuteq & Tropes), nous poserons des hypothèses méthodologiques (comment, dans le discours, faire ressortir le moment du trépas ? Quelles observables prendre en compte pour dire ou suggérer ce moment ? Les outils utilisés pour l'approche textométrique favorisent-ils la mise en distance profitable pour l'analyste ? et nous formulerons des hypothèses interprétatives sur le vécu de la mort lorsque celle-ci s’impose parce que la maladie la rend incontournable.