La traduction, un peu tardive, du beau livre d’Allan Bloom et Harry V. Jaffa sur la pensée politique de Shakespeare satisfera d’abord le cercle à la fois large et choisi des admirateurs français de Bloom qui ont pu découvrir sa pensée avec la publication française de L’Âme désarmée pour se plonger ensuite avec bonheur dans les riches analyses, philosophiques, littéraires mais aussi politiques, de L’Amour et l’Amitié.L’Âme désarmée est un livre de combat, qui dénonce dans l’évolution « libérale » ou « progressiste » des Universités américaines une trahison de leur esprit initial, qui leur avait permis d’être à l’avant-garde du mouvement intellectuel tout en restant fidèle au double héritage de la tradition classique et de la philosophie des Lumières. L’Amour et l’Amitié, publié après la mort de l’auteur, dont il est en quelque sorte le testament intellectuel, est un livre au contraire étonnamment serein, dans lequel Bloom récapitule l’ensemble de sa réflexion et de son enseignement pour nous permettre de retrouver quelque chose comme une compréhension « naturelle » du lien humain, amoureux ou amical. C’est dans ce cadre qu’il revient une dernière fois sur l’œuvre de Shakespeare, auquel il avait consacré sa première œuvre, publiée plus de vingt ans auparavant. Il y a évidemment quelques différences notables entre le livre de jeunesse publié en 1964 et l’ouvrage auquel Bloom a consacré les dernières années de sa vie. La Pensée politique de Shakespeare porte thématiquement sur les problèmes de la cité, là où…