On se réfère fréquemment à la formule par laquelle, dans l’Esprit des Lois, Montesquieu a déclaré que l’Angleterre était la seule « nation... qui a pour objet direct de sa constitution la liberté politique » (livre XI, chapitre 5). Beaucoup d’autres auteurs, notamment étrangers, ont conclu que cet objet était accompli. Ainsi Rémusat : « nulle nation n’a été à la fois plus libre, plus heureuse et plus puissante (...) La race anglo-normande est restée digne de sa liberté2 ». Les Anglais n’ont pas été en reste : s’il est un constat qui unit toutes les générations d’auteurs constitutionnels de Fortescue à Dicey, c’est bien que la liberté est, dans le droit de l’Angleterre, aussi garantie qu’il se peut. Il faudra attendre le XXe siècle pour qu’un courant critique juge que cette liberté a pu comporter des limites, et n’a pas profité également à tous. Le lien étroit entre la constitution britannique et la liberté a donc souvent été tenu pour acquis, mais cela ne dispense pas d’en interroger la nature. Plusieurs voies peuvent être envisagées afin de parvenir à ce but. Le livre de Céline Roynier les explore avec grand soin, et beaucoup de discernement, dans un domaine où les sources d’erreur sont extrêmement fécondes. Le rapport étroit du droit et de la constitution britanniques à la liberté est le plus souvent présenté comme une donnée ne méritant pas d’examen approfondi, au mieux peut-être des illustrations. La première vertu de la thèse de Céline Roynier est de rendre à cette relation le statut d’un problème.