Cet article propose des réflexions et éléments d’analyse sur la suspension des collaborations universitaires et scientifiques officielles avec la Russie (ou « sanctions académiques »), décidé par la France et d’autres pays de l’Union européenne en réaction à l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe en février 2022. Il prend appui sur une enquête réalisée en France auprès de vingt universitaires et chercheurs impliqués dans les coopérations avec la Russie, d'où il ressort notamment qu'il y a un large consensus sur le principe des sanctions. L’analyse se situe dans le référentiel de la diplomatie scientifique, et suggère qu’avec le recours aux sanctions académiques, une forme inédite de « science pour la diplomatie » est à l’œuvre, dans laquelle le refus de coopérer est utilisé comme une arme diplomatique. Le lien qui est fait dans certaines prises de positions officielles entre la défense de la liberté académique et le recours aux sanctions contre la Russie suggère que celles-ci participent de l’affrontement idéologique du moment entre démocraties libérales et pays à régime autoritaire.