« De toute manière, le Sud des écrivains n'a jamais été le Sud des historiens, des sociologues et des journalistes ». Dans In Extremis, ouvrage consacré à Flannery O’Connor (1925-1964), André Bleikasten étudie la manière dont l’auteur a réécrit le Sud. Selon lui, le Sud d’O’Connor est un Sud imaginaire, un « monde comme de guingois » pareil à nul autre. Pourtant, les lecteurs se plaisent à qualifier l’œuvre de l’écrivain comme une œuvre « du Sud » et lui attribuent souvent des traits réalistes. La région, son histoire, son statut particulier au sein de la nation américaine semblent absorber ses écrivains, qu’ils le veuillent ou non. D’autres auteurs tels que William Faulkner (1897-1962) ou Eudora Welty (1909-2001) sont intrinsèquement liés à l’identité du Sud. Il est en effet difficile d’évoquer le Sud sans penser à celui de Faulkner, concentré dans le comté fictif de Yoknapatawpha qui abrite ses personnages. Violent, inquiétant, peuplé de rednecks et d’aristocrates désargentés, le Sud du « Dixie limited » comme le surnommait O’Connor est considéré par beaucoup de lecteurs comme une fresque réaliste du Sud de la Reconstruction. Celui de Welty, en revanche, entraîne le lecteur dans un voyage au bout du merveilleux. Ses nouvelles, profondément ancrées dans son Mississippi natal, donnent à voir une région propice au lyrisme, habitée par des personnages en quête d’identité et, ce faisant, de lien avec autrui. Il est dès lors possible de constater l’existence de plusieurs Sud : ainsi, est-il possible de parler de littérature du Sud ? Cette communication se propose d’interroger la notion de « littérature du Sud » dans le contexte des Etats-Unis. Nous étudierons la manière dont les trois grands auteurs « du Sud » que sont Flannery O’Connor, William Faulkner et Eudora Welty abordaient le rapport à leur région, et nous analyserons la tension entre la perception des lecteurs, prompts à assigner les œuvres à la zone géographique dont viennent les écrivains, et la perception des auteurs, tournés vers l’universalisme.