Au milieu du XVIIIe siècle, le mathématicien Jean d’Alembert édite un Traité de dynamique (1743) dans lequel il utilise de nouvelles méthodes d’analyse. Elles seront applicables en géométrie comme en philosophie. Ainsi l’objet de cette dernière n’est pas Dieu mais, comme l’expose le Discours préliminaire de l’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, la raison qui place l’homme dans la voie de la critique et des connaissances. En choisissant le point de vue de l’homme, la philosophie des Lumières effectue un changement de perspective pour l’explication du monde. Cela ne s’est pas fait sans querelles, mais celle dite « des forces vives » est l’une des plus explicites des rapports entre philosophie et science. Lancée par Leibniz en 1692 dans l’Essai de dynamique qui contredit Descartes, contestée par d’Alembert opposé à la réintroduction du divin, elle a été maitrisée par Kant vingt ans plus tard. Elle a occupé quinze années de la vie de d’Alembert et est certainement l’une des plus présentes dans l’Encyclopédie. En croisant les points de vue de la philosophie, de l’épistémologie et de la linguistique, le présent article privilégie la négation comme poste d’observation linguistique. L’on y montre en quoi la négation apparaît comme une entrée privilégiée dans la querelle des forces vives dans l’Encyclopédie : elle projette le lecteur non seulement au cœur de la controverse mais aussi au cœur du rôle de « chef d’orchestre » de la polyphonie qu’incarne d’Alembert.