Ce numéro des Cahiers du Numérique vise à interroger les agencements de données impliquant des dispositifs de métrologie dite « citoyenne », envisagés plus globalement ici comme des configurations techno-politiques de production et de traitement de données, caractérisées par des formes de participation polycentrique de « non experts », plus ou moins institutionnalisées, et s’appuyant sur des infrastructures de publication et de traitement des données, sur des actants sensitifs et des protocoles, sur des sémiotiques et interfaces multiples (allant du capteur le plus simple aux dispositifs les plus élaborés). Ces agencements sont traversés d’épreuves : leur pérennité et efficience dépendent aussi bien des configurations politiques et scientifiques de ces initiatives (déterminant une puissance d’agir et la légitimation des pratiques), des processus de concernement, des modes de participation que d’une « littératie des données » distribuée (impliquant notamment des capacités cognitives et instrumentales, ainsi que des processus de réflexivité collective). Les données sont depuis longtemps des actants majeurs de la construction des politiques publiques (Desrosières, 2008, 2010 ; Supiot, 2015). Elles agissent au cœur des processus de pilotage des populations, de la sémiotisation des pratiques, des stratégies publiques. Mais, en contexte de crises écologiques et sanitaires mondiales, les données ne sont plus seulement des actants de la rationalité scientifique ou décisionnelle : elles sont des embrayeurs politiques et antropotechniques majeurs