Situé à l’extrémité orientale du Pays d’Aix-en-Provence (antique Aquae Sextiae), sur le piémont méridional de la montagne Sainte-Victoire, le domaine antique de Richeaume présente les vestiges d’un vaste domaine agricole, dont la villa (Richeaume I) et son espace funéraire (Richeaume XIII) ont été explorés. L’implantation des différents espaces constitutifs de l’espace domanial (activités de production, habitat résidentiel, espace funéraire) répond à une organisation structurée et structurante du paysage.L’espace funéraire de Richeaume XIII a fait l’objet d’une opération programmée (2007-2012). Elle a révélé 43 structures à vocation funéraire, réparties dans deux phases d’occupation majeures : du Ier au milieu du IIIe siècle puis de la seconde moitié du III^e au IX^e s. de n.è. La première phase d’occupation est marquée par l’usage unique de la crémation (19 structures), excepté pour les Très Jeunes Immatures. L’élément fondateur de cette occupation funéraire est l’édification d’un vaste monument funéraire, autour et à l’intérieur duquel s’installent des structures de crémation durant le Haut-Empire. A la fin de l’Antiquité et au haut Moyen Âge, l’implantation funéraire perdure mais se déplace au sud du monument funéraire, qui conserve un rôle de marqueur dans le paysage malgré l’abandon de sa fonction funéraire. L’étude du site, tant sur le terrain que lors de la phase de recherche, s’est inscrite dans une archéologie du rituel et du geste et s’est donc basée sur une approche interdisciplinaire : un protocole commun entre anthropologie, archéo-anthracologie, et archéo-thanatologie, mis en œuvre conjointement à d’autres spécialités (archéologie, céramologie, paléobotanique, architecture, géomorphologie, etc.), afin d’aborder au mieux gestes adoptés. La reconnaissance de la fonction et la nature des structures nous a permis de définir le paysage rituel, qui montre la variabilité des pratiques et leur complexité au sein d’un même ensemble. Cette collaboration a également permis de reconstituer le paysage général de l’espace funéraire. L’aspect visuel marquant de la construction même de la terrasse funéraire et sa position dominante participent de la constitution du paysage rituel, au même titre que les gestes et éléments adoptés dans les bûchers et les tombes mêmes. En effet, les différentes étapes des rites liés aux funérailles sur ce site ont fait l’objet de choix raisonnés, ayant pour but d’allier les aspects visuel, sonore et olfactif lors de la crémation. Cette volonté a un écho dans la dimension plus étendue de la nécropole : ces aspects font également l’objet de gestes réfléchis, dans le choix de la terrasse comme monument, dans le choix de son emplacement, dans l’implantation de marqueurs, dans l’aménagement d’un jardin, … Notre étude traduit la multiplication des lieux de mémoire et des lieux intégrant le rituel et souligne l’importance du monument en terrasse, dont le fonctionnement s’apparente à celui d’un mausolée. Elle permet de cerner les paramètres ayant présidé à son inscription dans le paysage domanial. La multiplicité du rite funéraire en contexte romain est ainsi révélée par ce type d’approche interdisciplinaire. Cette approche laisse aussi entrevoir l’extrême complexité du paysage rituel romain, dans ses multiples phases et dans la variabilité qu’il connait. Nous nous interrogeons notamment sur la notion de sépulture ou de lieu de mémoire que peuvent revêtir les structures liées à la crémation, dans leur définition archéologique au regard de celle suggérée par les textes antiques.