On attendait avec un mélange d’effroi et d’excitation que le Conseil constitutionnel vienne enfin reconnaître un contenu positif à l’identité constitutionnelle de la France. C’est chose faite avec la décision n° 2021-940 QPC du 15 octobre 2021, Société Air France II. Le Conseil a jugé que relevait de l’identité constitutionnelle de la France le principe selon lequel les compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la force publique ne peuvent pas être délégués à des personnes privées, tout en rejetant au fond le grief tiré de la méconnaissance de ce principe. Plus que la stupeur, cette décision suscite avant tout le scepticisme. Il est surprenant que le Conseil constitutionnel ait consacré, comme tout premier avatar de l’identité constitutionnelle de la France, non seulement un « jeune » principe du droit constitutionnel mais un principe dont le contenu est mouvant et pour lequel le droit de l’Union ne constitue pas une menace majeure. Une telle découverte est aux antipodes des canons supposés de l’identité constitutionnelle : ce qui est à la fois crucial et distinctif. Au scepticisme provoqué par cette décision se joint néanmoins une certaine satisfaction. Lue à la lumière de récents arrêts du Conseil d’État, elle témoigne en effet d’une convergence de bon aloi entre les jurisprudences constitutionnelle et administrative relatives au contrôle des actes nationaux de mise en œuvre du droit de l’Union. Sur un plan substantiel, les considérations d’intérêt général, singulièrement la protection de la sécurité publique, sont valorisées, non sans une certaine maladresse, face aux droits fondamentaux. Sur un plan procédural, Conseil d’État et Conseil constitutionnel s’accordent désormais sur le critère – enrichi – de la protection équivalente, autrement dit du caractère commun ou distinctif, aux fins de déterminer le champ du contrôle résiduel de constitutionnalité des actes dérivés de l’Union (II).