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Communication Dans Un Congrès Année : 2022

De voleurs de voitures à pollueurs de la mine. Quelle prise en compte de la crise écologique dans la recherche d'emploi de jeunes Kanak criminalisés?

Résumé

Canala et Thio sont deux communes de la côte est de la Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement française d’Océanie en décolonisation négociée depuis 1988 et au cœur de la transition énergétique contemporaine. Habités principalement par des Kanak, les deux municipalités sont impliquées dans l'exploitation du nickel depuis la fin du 19ème siècle. Une pluralité de firmes différentes extrait le minerai : de la SLN, société métallurgique coloniale, établie à Thio depuis un siècle et demi, à la NMC de Canala, jeune branche de la société SMSP, contrôlée par les forces de gauche nationalistes kanak, en passant par un certain nombre de petits opérateurs locaux. Malgré la longue histoire de ce que l'on pourrait appeler des « contrats sociaux » municipaux, renégociés cycliquement, entre les entreprises de la région et la population de l’aire (Le Meur 2017), les sites des sociétés minières en question ont été vandalisés à plusieurs reprises au cours des dernières décennies. De plus, leurs véhicules ont été systématiquement volés dans le but de s'amuser pendant quelques heures, puis de les brûler et de joncher les routes avec les carcasses des voitures. Les auteurs, des jeunes, principalement des garçons, issus des villages de la région, sont souvent eux-mêmes les fils de travailleurs des entreprises. Si dans certains cas, comme celui du NMC, les vols et les destructions de matériel ont été plus sporadiques, conduisant toutefois à une vaste campagne de formation et de recrutement des nouvelles générations de Canala par l’entreprise, à Thio les choses se passent différemment. Les hostilités de la population envers la société minière locale, qui pendant des années a fonctionné à la place de l'administration coloniale, se rendant responsable du bouleversement écologique de la commune et dont l’accès au travail semble être plus cloisonné, continuent de structurer la solidarité générationnelle des jeunes fils de mineurs autour de la devise "Abat la SLN". Les vols de véhicules de société sont « justifiés » (Boltanski, Thévenot 1991) par la lutte contre une entreprise qui détruit l'environnement et ne rend pas ce qu'elle prend à la société locale. Dans un sens plus large, les vols de biens de la mine sont ainsi placés dans la même grille explicative que les vols de voitures contre des particuliers néo-calédoniens d'origine européenne, c'est-à-dire que le délit est présenté par ses auteurs comme une continuation de la guérilla nationaliste sous d'autres formes. Mais que se passe-t-il lorsque les jeunes en question sont mis en examen, incarcérés et, une fois purgé leur peine, retournent dans les communes d’origine ? Comment essayent-ils de se reconstruire un réseau social et de s'insérer professionnellement ? Je me propose d’analyser les micropolitiques de cette recherche d’emploi. L’accès au travail salarié signifié, pour la plupart, « monter sur mine », souvent sur les mêmes sites que les nouveaux ouvriers contribuaient à saccager. Ma réflexion intervient après mon engagement sur deux terrains de recherche en Nouvelle-Calédonie, une première fois en 2017 pour une durée de huit mois et ensuite, dans le cadre de mon doctorat, entre février et octobre 2020. Conformément à l'orientation de cette session, je vais me concentrer sur les formes et les inflexions, souvent très diverses, que l'urgence écologique constitue dans les récits des actions passées, en lien avec la transformation conjoncturelle des jeunes en salariés de l’industrie extractive ou de sociétés de gardiennage chargées de surveiller les sites et de protéger le matériel par les « voleurs de voitures ». Nous nous demanderons si les populations de ces territoires fortement pollués par l'exploitation minière ont intérêt à conceptualiser une urgence écologique distincte de l'urgence sociale, et sous quelles formes les deux parviennent à se superposer dans les discours des jeunes. Bibliographie Boltanski L., Thévenot L., 1991, De la justification : les économies de la grandeur, Paris, Gallimard. Le Meur P-Y., 2017, « Conflict and agreement: the politics of nickel in Thio, New Caledonia », in Filer C. et Le Meur P-Y. (dir.), Large-scale mines and local-level politics: between New Caledonia and Papua New Guinea, Canberra, Australian National University Press, Asia-Pacific Environment monograph 12, pp. 157-182.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04069975 , version 1 (14-04-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04069975 , version 1

Citer

Martino Miceli. De voleurs de voitures à pollueurs de la mine. Quelle prise en compte de la crise écologique dans la recherche d'emploi de jeunes Kanak criminalisés?: 27/09/2022 – Biennale d'Etnographie de l'EHESS, Centre de la Vieille Charité, Marseille. Biennale d'Etnographie de l'EHESS, EHESS, Sep 2022, Marseille, France. ⟨hal-04069975⟩
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