L’œuvre de l’architecte Claude Parent repose sur une vision de l’habiter marquée par le mouvement et le déracinement. De l’invention de la « théorie de la fonction oblique » avec Paul Virilio dans les années 1960, aux dessins de « villes transitoires » qu’il imagine à la fin des années 2000 pour accueillir des migrations humaines massives, Claude Parent n’a cessé de remettre en question les habitudes qui régissent les modes d’habiter ordinaires. Au seuil du 21ème siècle, il envisage l’homme du futur comme un migrant perpétuel qui habite en se déplaçant et repousse sans cesse ses horizons. Les villes utopiques de Claude Parent s’apparentent à des structures territoriales obliques parcourables à pied dont certaines prennent place sur les autoroutes. Les textes, les dessins de l’architecte, ainsi que les entretiens menés avec lui montrent que l’habitation se renverse chez lui en inhabitation. En se saisissant des phénomènes de migrations massives pour imaginer un nouveau nomadisme, Claude Parent fait tout d’abord écho à l’habiter nomade défini par Georges-Hubert de Radkowski, qui déracine sans cesse son habitation. En invitant les humains à vivre sur des plans obliques, l’architecte veut déstabiliser les corps et les esprits, mais aussi critiquer le confort et les routines de pensée de son époque. Il appelle ainsi à « habiter sans habitude », reprenant l’un des deux modes d’habiter limites décrit par Walter Benjamin. Une pensée de l’inhabiter se dégage alors de son œuvre où l’habitant est envisagé comme un perpétuel exilé à l’ancrage toujours précaire. Si, comme l’a montré le philosophe Benoît Goetz, l’inhabitation n’est pas l’inverse de l’habitation mais une variété limite et extrême d’habitation, il s’agira finalement de mesurer le sens que prend ce mode d’habiter problématique chez Claude Parent. L’expérience vertigineuse de l’inhabitation s’apparente en effet à une quête existentielle positive qui vise une transformation de la société toute entière.