Sénat et décentralisation entretiennent une relation ambiguë. Parce que la Ve République en a fait le représentant des collectivités locales, en vertu de l’article 24 de la Constitution de 1958, et que son corps électoral est essentiellement composé de membres des collectivités territoriales, le Sénat s’est naturellement trouvé au cœur des réformes de décentralisation. Mais le rôle qu’il a joué et qu’il joue encore dans le processus de décentralisation est plus complexe que sa mission constitutionnelle ne le laisserait entendre a priori. Certes, la Haute Assemblée a toujours travaillé à protéger les intérêts des collectivités territoriales, mais cela ne va pas forcément de pair avec plus de décentralisation. Si le Sénat est constitutionnellement le défenseur des intérêts des institutions locales, représentées dans la Seconde Chambre en raison de la composition de son corps électoral et par le courtage des intérêts locaux opéré par ses membres ; c’est aussi précisément en raison du cumul et de ces modalités électorales que le Sénat a tendance à favoriser le statu quo territorial plutôt qu’une décentralisation plus poussée.